un tort irréparable. D’autre part, le talent et le génie littéraire sont passés du côté de l’incrédulité : Bayle, Voltaire, Diderot, les Encyclopédistes mènent une lutte sans merci contre « l’infâme. » Le protestantisme français renait de ses cendres mal éteintes et finit par obtenir un demi-droit de cité. Rome se laisse arracher la suppression de l’ordre des Jésuites. Enveloppés dans une réprobation et une hostilité croissantes, le catholicisme et l’absolutisme monarchique sont à la veille d’une crise que d’Argenson prévoyait dès 1753, et qui sera formidable.
Elle s’annonça tout d’abord assez pacifique. Les Cahiers de 1789 ne sont point, dans leur ensemble, défavorables à la religion ; ils souhaitent simplement la réforme des abus. Mais le clergé est divisé contre lui-même, et ses richesses sont un appât offert à de trop impatientes convoitises. La Constituante délie d’abord les moines de leurs vœux, puis décrète la nationalisation des biens ecclésiastiques. Rencontrant peu de résistance, — la moitié des religieux français quittèrent leurs couvents, — elle s’enhardit à imposer à ce nouveau clergé de fonctionnaires une « constitution civile » qui rompait tous liens avec Rome, ruinait toute hiérarchie ecclésiastique et subordonnait l’Eglise de France aux fantaisies du pouvoir civil. Cette fois, la guerre religieuse était déchaînée. La Législative, la Convention sévissent avec violence contre les prêtres insermentés, contre les catholiques restés fidèles, excitent contre eux les passions populaires ; le sang coule à flots ; la persécution s’en prend non seulement aux personnes, mais aux monuments et à tous les objets du culte ; contre la religion traditionnelle elle dresse des cultes nouveaux, celui de la Raison et de l’Etre suprême ; elle provoque le soulèvement de la religieuse Vendée. Enfin arrive le 9 thermidor : la liberté des cultes est proclamée et, grâce à la sagesse apostolique de l’abbé Emery, la France pacifiée, épurée par la souffrance, offre au monde étonné le spectacle d’une véritable renaissance religieuse. Cette renaissance, la persécution directoriale fit tout pour l’étouffer, mais elle n’aboutit qu’à en retarder, à en rendre plus irrésistible le triomphal épanouissement. Ce fut l’œuvre, éminemment bienfaisante, de Napoléon, de marcher dans le sens des événements et des secrets désirs de la grande majorité des Français, et, en signant le Concordat, de ruiner les derniers espoirs de l’opposition gallicane, janséniste