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Mais, hélas ! sans retard, la paix des vivants fut troublée. Car les discussions mêmes auxquelles a donné lieu, dans l’Eglise anglicane, l’origine et le caractère du pouvoir épiscopal, en ont parfois émoussé l’autorité ; et lorsque le docteur Knox, évêque de Manchester, eut interdit dans son diocèse toutes prières pour les défunts, comme contraires au Prayer Book et comme entachées de superstition, une voix lui signifia que, dans sa propre cathédrale, elles seraient dites, bon gré, mal gré : c’était la voix du doyen même du chapitre, le docteur Welldon.

L’année d’après, ce doyen, devant le congrès de l’Eglise anglicane, justifiait son attitude : « Nous confessons, déclarait-il, que nous croyons à la communion des saints ; mais nous n’agissons pas comme si nous croyions ce que nous disons. » Il étalait devant ses auditeurs les progrès incessants des groupements spirites, et peu s’en fallait qu’il n’invitât son Eglise à en faire son mea culpa : « Il nous faut demander, insistait-il expressément, si nous n’avons pas contribué à affermir l’emprise du spiritisme sur nos compatriotes en gardant le silence dans nos prières au sujet des trépassés, bien longtemps après que ce silence, qui avait été rendu nécessaire par les superstitions populaires, a cessé de l’être. » Et M. Welldon concluait : « D’accord avec la pratique de l’Eglise universelle, rétablissons à la place qui lui convient, dans les dévotions publiques et privées, la prière pour les morts. » L’introduction de la fête des Morts, en 1919, dans le calendrier anglican, fut pour ces pressantes instances une satisfaction nouvelle. Il n’était pas jusqu’à la Chambre des Lords qui ne semblât tenir compte de ces évolutions de l’opinion publique [1], lorsqu’une de ses commissions, sur le rapport du lord chancelier, déclarait en 1919, à l’encontre de la jurisprudence existante, qu’un legs consacré à faire célébrer des messes pour les défunts avait cessé de porter le stigmate d’usage superstitieux et devait dès lors être reconnu valide.

Devant ce même congrès où parlait le doyen Welldon, l’évêque anglican Woods, de Petersborough, proclamait : « L’Eglise ne doit pas être ligotée par les shiboleths du XVIe siècle ni captivée par les nouveautés de date plus récente. Elle doit être libre de choisir parmi les trésors de dévotion qu’elle a hérités. » La rencontre quotidienne entre anglicans et romains sur les

  1. Coolen, Revue pratique d’apologétique, 15 octobre 1919, p. 83-91.