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la prédication au XVIIIe siècle, il n’a que huit lignes, mais pour écrire ces huit lignes, il a certainement au moins feuilleté les principaux sermonnaires du temps, le P. de Neuville, l’abbé Poulle, Mgr de Boulogne, Bridaine, dont il a entrevu la grande figure ; il a lu peut-être le livre de l’abbé Maury sur l’Éloquence de la chaire, en tout cas ceux de l’abbé Bernard sur le Sermon au XVIIIe siècle, de l’abbé de Coulanges sur la Chaire française au XVIIIe siècle, de Maurice Masson sur la Religion de J.-J. Rousseau, de M. Albert Monod sur les Défenseurs français du christianisme de 1660 à 1802... Et voilà que je suis plus long pour énumérer ses sources que lui pour les exploiter.

Cette érudition dont la sobriété et la discrétion ne doivent nous dissimuler ni l’étendue, ni la fine précision, s’accompagne toujours chez M. Georges Goyau d’un fort remarquable esprit d’impartialité. Il y a eu quelque mérite, le domaine des idées et des croyances religieuses étant, comme chacun sait, celui où il est le plus difficile de conserver son sang-froid et sa liberté de jugement, de supporter la contradiction et d’être entièrement juste à l’égard de ses adversaires. D’autre part, l’auteur du Vatican a sur ces questions des idées très fermes et très arrêtées, dont il n’a jamais fait mystère, et qu’il sait, à l’occasion, défendre avec ardeur. Il n’a jamais été de ceux qui, même en histoire, selon la forte expression de Bossuet, « font le neutre ou l’indifférent. » Comme ils se trompent pourtant ceux qui s’imaginent que, pour juger avec sérénité, avec « objectivité » les idées et les hommes, un aimable scepticisme est nécessaire ! Le scepticisme de M. Anatole France ne l’a pas, que je sache, empêché de porter, sur toute sorte de questions, les jugements les plus violemment sectaires. Et les convictions fortes de M. Georges Goyau ne l’empêchent nullement de porter, même sur ceux dont les idées le révoltent le plus, les jugements les plus modérés, les plus courtois, les plus délicatement nuancés. C’est qu’à une grande justesse d’esprit, à une extrême finesse de pensée, à une admirable probité intellectuelle, il joint une très rare charité morale : certains sont nés sévères ; lui est né indulgent. Ajoutez à cela qu’il puise dans la force et la profondeur mêmes de ses convictions personnelles la sérénité nécessaire pour juger les choses et les hommes sans parti pris. « Quand on est sûr d’avoir raison, a écrit Renan, on est fort contre l’injustice. » Ce sont les convictions molles et mal