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les résultats dans une puissante et large synthèse, mieux encore, dans une sorte de vaste biographie collective, il s’est dit, — avec combien de raison ! — que la sainteté était, pour l’amateur d’âme, un critérium incomparable d’insigne valeur spirituelle, que les grands saints reconnus et consacrés par l’Eglise ont chance d’être, par excellence, l’expression et le symbole de la vie religieuse de leur temps, et que, pour représenter « au vif » cette vie religieuse, il fallait avant tout s’adresser à eux. Et il a été ainsi conduit à évoquer, aux diverses étapes de l’évolution religieuse de la France, la physionomie des grands saints français, dont l’œuvre et la vie nous apparaissent à la fois comme la vivante illustration des aspirations morales de leur époque et comme le facteur essentiel de l’évolution ultérieure. Devant ces grandes vies religieuses que sont celles d’un saint Martin ou d’un saint Bernard, d’une sainte Jeanne d’Arc ou d’un saint Vincent de Paul il s’arrête avec une visible complaisance, et les images qu’il en dresse lui servent à jalonner les phases successives de la longue vie religieuse de cette haute personne morale qui s’appelle la France. On ne dira jamais assez tout ce que cette conception de son sujet a permis à l’historien d’introduire dans son exposition de clarté, de netteté, de force suggestive et de réalité concrète.

De cette idée M. Georges Goyau a su tirer encore le principe même de composition dont il s’est inspiré pour construire son œuvre. Quand on songe à la masse énorme de faits qu’il avait à maîtriser, on se dit que, pour ne pas plier sous le poids d’une telle accumulation de matériaux, il ne fallait rien de moins que cet art supérieur de la composition qui caractérise les grands maîtres classiques. Disciple fidèle d’un Brunetière, d’un Taine, — et, je crois aussi, d’un Bossuet, — l’auteur du Vatican ne s’est pas montré indigne des plus illustres modèles. Je sais, de notre temps, peu de livres aussi puissamment construits que son Histoire religieuse de la France, et dont l’unité intérieure soit mise aussi fortement en relief par une composition plus savante et plus harmonieusement ordonnée. Or cette magistrale ordonnance n’aurait pas sans doute été réalisée, si l’historien ne s’était, croyons-nous, tenu le raisonnement suivant. Puisqu’il est établi que les grandes personnalités religieuses sont le vrai ferment de la vie spirituelle, qu’elles orientent dans un sens déterminé toute l’histoire morale, subordonnons à l’étude de leur action