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des lettres presque aimables dans lesquelles on faisait même allusion à un rapprochement avec les Français. » La correction que Brahim ag Abakada a reçue en mars 1918 lui a suggéré des intentions conciliantes : il a demandé l’aman par lettre au chef d’annexé d’In-Salah.

Mais le général Laperrine ne se laisse point séduire par des avances dont il soupçonne le manque de sincérité. Il sait que ces insoumis doucereux et patelins réclament des armes, des munitions et des renforts à Ghadamès et à Mourzouk ; il perce à jour leur tactique hypocrite : ils ne veulent que gagner du temps. Mais il a deviné le motif profond de leur attitude : ils ont peur.

Eh bien ! Moussa ag Amastane n’a-t-il pas offert, avant même d’avoir pacifié l’Aïr, de se joindre à nous pour amener les Azgueurs à composition ? On y parviendra en les intimidant ; pour les intimider, il faudra frapper. Une colonne est donc constituée, sous les ordres du capitaine Depommier, pour assister Moussa ; une colonne d’appui, commandée par le lieutenant Vitaud, opérera à distance, et accourra, en cas de besoin. Le but est Djanet. Ce poste atteint, le Sahara de Laperrine sera recouvré aussi loin qu’il s’étendait en 1914. Les contingents sahariens et hoggars s’avancent vers Djanet, tantôt combattant, tantôt négociant. Les négociations aboutissent parfois ; un des vieux amis du général Laperrine, le caïd Bilou des Ahl Azzi d’In-Salah, s’entremet en notre faveur ; or, il est aussi populaire chez les Azgueurs que chez les Hoggars. Moussa lui-même s’abouche avec Boubekheur ag Allegoui, qui lui promet de vivre en paix avec les Hoggars et de s’opposer à toute formation de rezzous. Mais il ne s’engage pas plus avant ; la paix entre indigènes, d’accord ; mais avec les Français, point d’affaire. « Dès qu’on lui parle de négocier avec les Français, il se retranche derrière sa qualité de fonctionnaire turc : il est Kaimakan de Ghât. » Il est oiseau, voyez ses ailes ; il est souris, vivent les rats. Comme on sympathise avec le général Laperrine, lorsqu’on songe à sa politique d’apprivoisement vis-à-vis de ces chauves-souris ! Comme on le comprend, alors que, de ces indigènes farouchement sahariens, il essaie de faire des Français d’adoption ! La colonne Depommier et la harka de Moussa palabrent ainsi, mais se battent en même temps. Leurs combats d’avant-garde ou de flanc-garde leur procurent des prises ; de plus, l’ennemi