pas qu’il soit raisonnable de vous priver aujourd’hui de ce que vous cherchez le moyen d’avoir toute votre vie. Mais bientôt sire Guillaume reprenait :
— Je veux cesser d’être un mort. Je rentrerai dans la vie. Je ne peux supporter que vous soyez aux mains de mes amis, de mes frères, sans que je leur dispute mon bien. Pourquoi ne voulez-vous pas que j’aille vous rejoindre ?
— Plus tard, cela sera.
Et toujours ainsi, jusqu’à ce qu’Isabelle se rapprochant d’eux leur dit :
— C’est l’heure ! Il faut partir. Nous reviendrons bientôt, et la prochaine fois vous vous accorderez.
Monotonie d’angoisse où alternent des surprises de douleur et de plaisir : douleur, quand il voyait des lacunes inexplicables dans les histoires claires d’Oriante, et plaisir plus profond que la mort quand elle se glissait jusqu’à son abri. Jamais un refus, parfaite envers lui. Mais ailleurs ? Il frissonnait de douleur.
L’homme blessé ne dort pas et ne laisse pas dormir. Un jour enfin, à bout de forces, il prit sa résolution et lui dit :
— Tu ne veux pas quitter Qalaat. Eh ! bien, je ne peux pas demeurer dans cet abaissement. De semaine en semaine, tu m’ajournes, quand je te demande de décider notre destin ; je n’accepte plus l’immobilité. Nous avons eu pour breuvage une eau pure. Comment pourrais-je pour toujours m’accommoder d’un amour mélangé et trouble ? Qu’est-ce que ces plaisirs sans fidélité ? Des plaisirs où j’appelle vainement le bonheur, les plaisirs du désespoir. Éclat des perles et de la jeunesse, étincellement de ta venue, j’ai peur de blasphémer de généreuses largesses, et de paraître ingrat envers les plus belles minutes du destin. Qu’elles restent bénies ! Mais pour finir, elles m’ont jeté tout rompu dans la plus noire douleur. J’ai trop entendu ce qui se dit dans le silence du fond de votre âme et qui refuse de renier celui sur qui vous vous bornez à me donner la primauté, en gardant un opiniâtre orgueil de son amour qui m’offense.
— Pourquoi êtes-vous jaloux de ce chrétien ? Vous ne l’étiez pas de mon seigneur musulman.