Aujourd’hui, qu’il ne nous reste plus que de la gloire en magasin, le procédé étant perdu, aujourd’hui que la figure est bien casée à sa place, dans son cadre, en pleine histoire, c’est idiot et coupable de la gratter à la dérobée. L’homme qui trouait les Meissonnier au Luxembourg faisait une besogne pareille. J’adore Saint-Simon, et son nom est une perle de notre écrin ; cependant, si je l’avais inédit dans mes papiers de famille, je crois que je ne le publierais pas. J’ai horreur des gens qui touchent à Louis XIV et à Napoléon, parce que je sens bien que nous n’avons plus devant nous de figures pareilles ; et il n’est pardonnable de manger son bien que quand on est sûr d’un héritage encore. Et puis, la justice historique envers un homme doit se mesurer, à un certain moment de l’histoire, non aux souffrances de ses contemporains, mais à la somme de bien ou de mal qui reste de son œuvre pour les neveux ; or le mal de Napoléon s’est effacé sous de bien autres maux ; la défiance de l’Europe s’est changée en indifférence, et nous voudrions bien en être à la frontière de 1815. Le bien, c’est-à-dire la vigoureuse charpente donnée à la France nouvelle, le Code, le Concordat, les Finances, la Légion d’Honneur, l’Institut, etc., tout cela subsiste et nous soutient encore, tant qu’on ne l’aura pas démoli tout à fait. On me dira peut-être qu’il reste le mauvais exemple du 18 brumaire ; il y a aussi celui d’Hercule chez Augias, celui de Marianne, — (la vôtre), — balayant le salon des Angles, celui de quiconque a jamais vidé un évier, une souillarde, diraient vos tantes ! Prenez n’importe quel étranger de sang-froid, donnez-lui à lire l’histoire la plus flattée du Directoire, et demandez-lui ce qu’on pouvait, ce qu’on devait faire des Anciens et des Cinq Cents, si l’on aimait son pays ; je gage que pas un ne variera dans sa réponse. Et ceux qui jouent l’honnêteté avec le cliché du 18 brumaire, trouvent que le 4 septembre est une journée morale justifiée ! Où est la différence ? O partis, comment trouver le courage d’écrire l’histoire quand on vous connaît ! Ne semble-t-il pas qu’une page d’histoire contemporaine applaudie par un seul Français doit être fausse par cela même ?
Mais voilà un singulier entraînement pour une lettre de souhaits. C’est que j’enrage après l’année qui va se faire enterrer civilement. Je lui dois pourtant un fils superbe et un livre qui l’est moins. L’Athénien qui a bien voulu parler du second a tous