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Etats-Unis vient de voter, le 24 mars, la ratification du Traité par 67 voix contre 27 ; il eût suffi d’un déplacement de cinq voix pour que la majorité des deux tiers, requise en pareil cas, ne fût pas acquise ; et l’on s’explique les inquiétudes et les manœuvres du Gouvernement.

Ce sont aussi des hommes politiques américains, qui ont dit à leurs électeurs, et des journaux à leurs abonnés, qu’ils paieraient moins d’impôts si les Alliés remboursaient les avances faites par les Etats-Unis et que d’ailleurs, en exigeant cet argent, les Américains feraient œuvre morale et pacificatrice puisque la France belliqueuse, impérialiste, ne l’employait qu’à des armements et préparait l’anéantissement de l’Allemagne ! Ainsi, la double réclamation américaine prend presque, du moins par les commentaires qui l’assaisonnent, le caractère insolite d’une pression exercée sur la politique française, et c’est ce qui en fait la gravité. Les Français ne renient pas leurs dettes, mais ils estiment que les Américains, eux aussi, ont envers eux des dettes. Ils se sont dégagés des engagements solennels pris en leur nom par le Président de l’Union dont nous n’avions pas à nous demander, s’il était ou non d’accord avec l’opinion de son pays. Si, après avoir gagné avec nous la guerre, ils avaient réalisé avec nous la paix, l’Allemagne se montrerait moins récalcitrante, les Soviets russes moins arrogants et les nationalistes turcs plus traitables ; l’Europe serait déjà sortie de l’état de malaise économique dont tout le monde souffre, les Américains les premiers. Ils sont encore nos débiteurs puisqu’en échange de l’abandon des sécurités que nous réclamions sur le Rhin, ils s’étaient engagés à nous prêter assistance en cas de nouvelle agression allemande et que, là encore, la signature de leurs plénipotentiaires a été protestée.

Tous ces malentendus, si pénibles qu’ils soient, ne doivent pas être pris au tragique ; ils n’entament pas l’indéfectible confiance que les Français auront toujours en leurs amis des Etats-Unis.


Intérim.


Le Directeur-Gérant :

RENE DOUMIC.