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voisins, ce que ces pays n’avaient jamais connu, un gouvernement qui tient compte de l’intérêt des populations et qui veut les servir. En effet, on ne saurait assez le répéter, les dominations qui se sont établies au cours des siècles dans l’Afrique du Nord, que ce soit Carthage, Rome ou Byzance, n’avaient en vue qu’une assez âpre exploitation. Quant à l’invasion musulmane, avouons, au risque de contrister des sympathies, qu’après s’être bornée à créer l’unité religieuse entre des empires d’ailleurs éphémères, elle offre dans les chroniques des Etats barbaresques, de Fez à Tunis, une lamentable série de violences monotones dans leurs horreurs mêmes.

C’est ainsi que nous avons trouvé l’Algérie au sortir du régime turc qui la pressurait plus qu’il ne l’administrait.

Assurément, disent nos compatriotes de là-bas, il n’y a que des avantages à ce que nous donnions libre cours à notre libéralisme, mais à la condition, ajoutent-ils, de nous souvenir du « memento regere » indispensable au succès d’une entreprise coloniale [1]. Ceux d’entre nous qui, dans la Métropole, connaissent l’âme indigène, savent, en effet, que les réactions les plus dures succèdent parfois à des apparences doucereuses et trompeuses. Et quand nous voyons l’action communiste révolutionnaire chercher à entamer notre Algérie qui, par certains côtés, doit être comme une France prolongée, il serait vraiment douloureux que, sous prétexte de libéralisme, ou favorisât une campagne procédant des plus dangereux extrémistes métropolitains.

Nos Algériens désirent, à ce point de vue, que nous ne négligions aucune occasion de démontrer que l’Algérie, tout en faisant partie du monde musulman, est une terre française et que, quels que soient les droits que nous reconnaissons à nos indigènes, nous ne devons pas hésiter à traiter comme coupables de complot contre la sûreté de l’Etat ceux qui ébranleraient la fidélité de leurs coreligionnaires envers la France. C’est la sagesse même.

Mais voici que d’heureux symptômes se manifestent ; on a pu lire les déclarations du ministre des Colonies, au retour d’un voyage en Afrique occidentale, où il avait jugé, par lui-même, les choses indigènes et compris les erreurs d’une assimilation

  1. Philosophie d’un désastre colonial, à propos de la politique espagnole au Rif, par un Africain. La Renaissance, Paris 1er octobre 1921.