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algériennes ont élevé, depuis 1900 où la colonie est maîtresse de son budget, le chapitre de l’instruction publique de 300 000 francs à 8 000 000.

On a souvent dit qu’il convient d’instruire les indigènes bien plus en surface qu’en profondeur, pour ménager leur mentalité et préparer leur évolution. Quoi qu’il en soit, dans les campagnes, on recherche peu l’instruction ; nos administrateurs de communes mixtes sont obligés de sévir pour forcer les parents à envoyer leurs enfants à l’école ; déjà, au lendemain de l’enquête poursuivie en 1893, dans toute l’Algérie, le Président de la Commission, Jules Ferry, devait reconnaître que les indigènes n’étaient guère attirés par nos programmes ; pour séduire les familles, on chargea des « tholba » ou lettrés d’enseigner le Coran aux enfants de nos écoles. La mesure fut critiquée, beaucoup redoutant de provoquer un désordre de conscience dans ces jeunes esprits manœuvres, sans contrôle, à travers le dédale d’un livre saint qui prête à tant de controverses [1] et un spécialiste assurait, à cette époque déjà lointaine, que mieux vaudrait des écoles vides que des écoles fréquentées grâce à l’attrait du Coran. Un autre écrivain [2] précisait, assez rudement, que la plupart de ces indigènes se montreraient incapables dans les fonctions qu’ambitionnait la naïveté de leur orgueil et que, devenus des aigris, ils offriraient le témoignage de notre erreur d’avoir cherché à les élever au delà de leurs moyens. On ne saurait, en effet, prétendre que la seule pratique de notre langue augmente les facultés de discernement chez un indigène, alors qu’elle le rend d’autant plus vulnérable parce qu’accessible à de pernicieuses influences ; cette opinion est partagée par nombre de nos compatriotes de la colonie.

Les garanties dont nous avons à entourer les différentes branches de l’instruction étaient déjà l’objet de l’attention du gouverneur général quand on organisa, en 1894, l’enseignement dans les médersas ou écoles supérieures musulmanes ; il s’agissait, en effet, de ne confier qu’à des professeurs français judicieusement choisis parmi les plus sympathiques aux musulmans, les cours d’histoire musulmane. L’enseignement historique comporte trop de conclusions pour le laisser à des maîtres qui

  1. Émilien Chatrieux, Études Algériennes. 1 vol., Challamel, Paris, 1893.
  2. Maurice Wahl, L’Algérie, 5e édition mise à jour par Augustin Bernard. Paris, F. Alcan, 1908.