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de la colonisation française [1]. Pour enrayer le mal, on réclame une politique indigène débarrassée de mesures hâtivement réalisées, parfois mal conçues ou peu étudiées, ainsi qu’en était coutumier le dernier Parlement. On désire une administration faite assurément de justice et de bonté comme le comporte l’idéal français, mais aussi de fermeté, pratiquée suivant la connaissance de l’indigène, afin de rendre confiance aux entreprises européennes. La sécurité doit être améliorée ; il faut en finir avec ce scandale de la bechara, chantage à peine déguisé qui s’exerce dans les campagnes sur le propriétaire volé pour lui faire recouvrer ce qui lui a été dérobé. Enfin, la nécessité s’impose de réglementer les conditions d’emploi de la main-d’œuvre, afin de la retenir dans la colonie, tandis que les ouvriers agricoles s’expatrient pour aller en France ; dans cette voie, on a même envisagé la réquisition des oisifs.

Pour ce qui a trait au régime même de la propriété, il est évident qu’il faut augmenter Je délai au bout duquel le concessionnaire de terres ne pourrait les louer ou les vendre aux indigènes. On voit mal, également, l’utilité de conserver un domaine d’Etat aussi considérable que dans la province de Constantine où il atteint encore 1/8 de la superficie totale.

Sans retard il convient de mettre de l’ordre dans la propriété indigène et de continuer ce qui avait été commencé en 1911, puis abandonné, c’est-à-dire, organiser le cadastre, afin de préparer le « home stead » et soustraire les biens indigènes aux caprices des djemaas prévaricatrices.

En effet, par un curieux contraste, si la propriété française peut être aisément acquise par l’indigène en raison de la limpidité des titres, il n’en est pas de même des terres indigènes, ces dernières étant, en l’absence de documents, difficiles à acquérir et seulement après d’interminables enquêtes. Il est indispensable que l’on instaure de nouvelles méthodes qui réduiront les délais consacrés aux enquêtes partielles, afin que l’Administration soit en état d’entamer des procédures d’ensemble dans les territoires où la colonisation privée peut s’exercer. Le Français doit pouvoir

  1. Depuis quelques mois, la situation paraîtrait en voie de légère amélioration, ainsi que le signale M. Augustin Bernard dans un article très documenté sur le recensement en Algérie, paru dans les Annales de Géographie du 15 janvier 1922, bien que l’auteur signale que non seulement les villages de colonisation, mais même les petites villes comme Blida, Médéa, etc., ont perdu une partie de leurs éléments européens non-fonctionnaires.