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C’est ainsi que l’on décidait de remettre aux juges de paix une partie des pouvoirs disciplinaires, à l’exemple de ce qui a lieu dans les communes de plein exercice, après avoir retiré une partie de ces mêmes pouvoirs aux administrateurs de communes mixtes, sans se préoccuper si la mesure n’allait pas grever lourdement le budget algérien qui entretient déjà vingt mille fonctionnaires. Ceux-ci absorbent 53 pour 100 des dépenses totales et 66 pour 100, si on déduit la délie, suivant l’affligeante constatation que M. Morinaud faisait au Parlement.

Le rapporteur de la loi au Sénat convenait qu’en attendant, le nombre des juges de paix algériens serait insuffisant pour assurer ces nouveaux services et que, notamment dans vingt-six communes mixtes, les justices de paix n’étant pas installées par suite de manque de crédits, on allait forcer les indigènes à de longs et coûteux déplacements. Il ajoutait que le manque de préparation administrative de ces juges de paix, l’ignorance où ils étaient pour la plupart, de la langue, et qui les rendait tributaires de médiocres interprètes, étaient autant de conditions mauvaises ; néanmoins, il concluait, chose à peine croyable, au vote de la loi.

Ceci se passait en 1914 ; le moment ne pouvait être plus mal choisi pour diminuer notre autorité. Aussi fallut-il, en pleine guerre, parer au plus pressé et rétablir pour une période de deux ans ces mêmes pouvoirs. Mais, qui le croirait ? on oublia dans la suite de les rendre à nos administrateurs et ce ne fut qu’en face de l’émoi provoqué par la loi de 1919 et aussi pour nous défendre de certaines intrigues étrangères qu’on rétablit h nouveau, espérons-le définitivement, ces mêmes pouvoirs.

Au reste, l’esprit indigène est si épris d’autorité que, récemment, en Kabylie, il a fallu faire droit aux notables du pays, et rétablir les Kanouns, c’est-à-dire l’ensemble de lois et d’usages locaux, pour lutter contre l’alcoolisme que nos règlements sont insuffisants, comme on sait, à réprimer.

Tous les administrateurs de communes mixtes avec lesquels on s’entretient estiment ce rétablissement de pouvoirs plutôt comme une simple arme préventive ; il suffit, à leurs yeux, que l’indigène sache que les ordres inexécutés pourraient être appuyés d’une sanction pour que l’on n’ait pas besoin de s’en servir. En effet, dès le lendemain du retour à l’ancien état de choses, la perception des impôts s’effectua avec une régularité