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qu’il faut pour séduire nombre de musulmans : la doctrine ne donne-t-elle pas tous les espoirs pour la libération de l’étranger quand elle fait miroiter aux yeux des simples d’esprit le droit de travailler le sol, sans payer de dime à quiconque, rejetant ainsi toute emprise du capitalisme ; redoutons que l’une des confréries religieuses dont l’action, avant l’incendie, est si difficile à surprendre, n’en serve la cause. Il n’y a, évidemment, qu’une nuance pour que des indigènes donnent libre cours, dans leurs cerveaux façonnés par la foi coranique, à un réveil de fanatisme contre le roumi ; ils auraient vite fait, d’autre part, d’abandonner leur fatalisme qui nous fut si commode. Souvenons-nous que les bolchévistes se déclarent les protecteurs de ce qu’ils appellent les opprimés et que leur propagande de forme islamique issue du proche Orient s’influence des événements d’Angora [1] et de l’Egypte ; aussi est-elle soutenue par les « Jeunes Tunisiens, » et comme, de l’autre côté, l’Algérie se trouve en butte à l’action du communisme européen procédant aussi de quelques milieux de Paris, on en conclura que notre colonie court le danger d’être prise entre deux feux.

Cet ensemble de faits réclame une extrême attention si l’on veut déjouer des manœuvres qui ne sauraient donner le change à un esprit averti ; dans ce dessein, on doit envisager une politique de conservation sociale indigène autant qu’européenne. Le nouveau Parlement y semble plus préparé que l’ancien. L’âme de nos musulmans n’est pas insensible au raisonnement ; c’est affaire au gouvernement général à Alger d’entreprendre cette propagande de concert avec le Ministère des Affaires étrangères, puisque ce qui se passe en Algérie retentit sur l’ensemble de notre situation dans l’Islam. Ce ne sont pas les éléments qui nous font défaut pour cette action ; ne sommes-nous pas en train de réaliser la création, à Paris, d’une maison de l’Islam sous la forme d’une mosquée et d’un institut qui se rattache à l’œuvre des « Habous » ou biens religieux de notre Afrique du Nord ? On ne saurait trouver une meilleure réponse aux cam- pagnes anti-françaises de Berlin et de Moscou, à condition de

  1. Dès l’accord entre Mustapha Kemal et la République des Soviets, les journaux tunisiens le commentèrent favorablement. La répercussion parmi nos populations indigènes des événements d’Asie-Mineure et des fautes que nous y avons commises est indéniable ; on lira avec intérêt à ce sujet les articles de Mme Berthe Georges Gaulis, dans l’Opinion.