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proclamer et de propager par la liberté de sa conduite ses croyances nouvelles. » Ce n’était certes pas un Don Juan, mais ce pouvait bien être un adepte de l’union libre.

Pendant qu’il essayait d’étouffer la voix de son cœur et celle de sa conscience en se réfugiant dans l’abstraction des théories morales, Annette de son côté, arrachée à sa tristesse plaintive par une tragédie voisine, se prenait peu à peu d’une fièvre politique qui allait balancer en elle par d’autres ardeurs celles de l’amour.


IX

De telles angoisses devaient tourmenter les Vallon sous la Terreur, que la pénible situation de la jeune mère sans mari passa bientôt au second rang de leurs soucis. Annette elle-même cessa de vivre repliée sur son infortune. Au moment où elle écrivait à Wordsworth et à Dorothée sa lettre mouillée de larmes, la Terreur sévissait à Orléans, et Paul, son frère préféré, celui qui l’avait soutenue au temps de son épreuve, allait sentir sur sa tête le vent du sinistre couperet.

Paul Vallon s’était trouvé compromis dans le prétendu attentat contre le représentant du peuple Léonard Bourdon, affaire où le grotesque et l’atroce sont inextricablement mêlés. Le récit en est fait tout au long par Mortimer-Ternaux dans son Histoire de la Terreur. Provoqués par Bourdon et sa bande de jacobins, les gardes-nationaux d’Orléans avaient résisté, et dans la bagarre Bourdon, avait reçu quelques blessures légères. Ces égratignures lui avaient suffi pour se donner figure de martyr républicain et pour crier vengeance. Trompée par son rapport, la Convention avait déclaré Orléans en état de rébellion et décidé que les auteurs de « l’attentat » seraient traduits devant le tribunal révolutionnaire.

Une trentaine de suspects sont incriminés, au nombre desquels figurent l’ex-propriétaire de Wordsworth, Gellet-Duvivier, et le frère d’Annette, Paul Vallon.

On a peine à se faire une idée du vide de la plupart des charges recueillies par les Commissaires du pouvoir exécutif qui informent à Orléans. Passe encore pour le pauvre Gellet-Duvivier. N’ayant pas sa tête à lui, il s’est montré dans la rixe l’un des plus exaltés de la garde nationale où il est grenadier.