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Celle qui allait être mêlée à sa vie, Marie-Anne Vallon, ou Annette, était née à Blois le 22 juin 1766. Elle était le sixième et dernier des enfants de Jean Léonard dit Vallon, maître en chirurgie, et de sa femme Françoise Yvon. Le père appartenait à une lignée qu’une tradition de famille fait venir d’Ecosse et dans laquelle la chirurgie était en quelque sorte héréditaire. En 1755, quand on célébra les funérailles de Joseph Léonard Vallon, ancien chirurgien, âgé de 95 ans, en tête du convoi marchait le sieur Vallon, son fils, lui-même maître chirurgien. Il semble que Jean, le père d’Annette, ait été le petit-fils du presque centenaire. Et à son tour il devait faire souche chirurgicale. Non seulement son fils aîné Jean-Jacques, né en 1758, mais son second fils, Charles-Henry, né l’année suivante, avaient adopté la profession paternelle. Nous savons que ce dernier était maître chirurgien à Blois depuis 1780.

En 1791, quand Wordsworth connut Annette, le père de la jeune fille était mort depuis plusieurs années, et sa mère remariée avec un sieur Verger, lui aussi maitre chirurgien. Orpheline de père, quelque peu séparée moralement de sa mère par ce remariage, Annette n’était guère moins abandonnée à elle-même que William.

Aux deux chirurgiens, les aînés de la famille, s’ajoutait un autre fils, Paul, né en 1763 qui s’était, lui, tourné vers le notariat. En regard des trois garçons, trois filles : Françoise-Anne, née en 1762, Angélique-Adélaïde, née en 1765 et Marie-Anne, d’un an plus jeune, la dernière venue.

Deux oncles à la mode de Bretagne de ces enfants nous sont encore connus : Charles-Olivier et Claude Léonnar-Vallon, nés l’un en 1728 et l’autre en 1729, tous les deux curés du diocèse de Blois, tous les deux ralliés à la Révolution, et patronnés par l’évêque constitutionnel Grégoire, qui fit de Claude un des vicaires épiscopaux du Loir-et-Cher. Ils avaient prêté le serment constitutionnel en 1791, et allaient dans l’automne de 1792 prêter le serment de liberté-égalité ; cinq ans plus tard, le 30 fructidor an V, celui de haine à la royauté. Aussi un rapport préfectoral du 9 thermidor an IX fera-t-il leur éloge. Il louera « les grandes connaissances théologiques » de Claude, et déclarera Charles « de parfaite moralité, instruit et tolérant. »

Il ne semble donc pas qu’il y ait eu d’abord dans la famille Vallon cette hostilité à la Révolution qui se manifesta dans la