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d’autres, au contraire, restaient fidèles à l’ancien système et ne voulaient pas de protectionnisme agraire en Russie, mais la grande majorité du pays semblait hostile à un renouvellement du traité, tel qu’il avait été signé en 1904. Le Gouvernement russe avait nommé, en janvier 1914, des Commissions spéciales auprès des Ministères du Commerce, des Finances et de l’Agriculture pour préparer, de longue date, le futur régime économique, afin d’éviter les surprises d’une négociation brusquée, dont la Russie ferait encore tous les frais [1].

Le rôle qu’a joué, dans les événements de 1914, le traité russo-allemand n’a pas encore été complètement éclairci ; on a pu prétendre, cependant, non sans quelque raison, que la perspective d’un non-renouvellement compte parmi les causes économiques de la guerre.

L’Allemagne n’avait plus d’illusions sur les intentions de la Russie d’opposer une politique de protection industrielle au protectionnisme agricole allemand. Les produits chimiques et métallurgiques, les matières animales et leur industrie, les céréales et les textiles étaient particulièrement visés, c’est-à-dire un ensemble d’articles sur lesquels avait porté principalement l’expansion allemande en Russie. Des mesures restrictives étaient à craindre et elles s’annonçaient dans une période où l’Allemagne avait poussé sa production au plus haut point de développement et cherchait vainement des débouches nouveaux pour écouler ses produits. La roule de l’Orient à travers la Turquie n’était plus aussi large, la porte du Maroc n’avait pu s’entr’ouvrir, la concurrence américaine commençait à se faire sérieusement sentir sur les marchés d’exportation, et c’était le moment critique où la Russie, à son tour, s’apprêtait à prendre l’offensive contre le commerce allemand. Il est donc permis de croire que, devant l’éventualité d’une crise économique qui pouvait aboutir à une crise sociale, l’Allemagne ait envisagé les moyens d’éviter son encerclement en faisant appel à sa force militaire.


II. — LA PÉNÉTRATION ALLEMANDE EN RUSSIE

Si l’on veut juger, sous tous ses aspects, la politique allemande, il ne faut pas la considérer seulement à travers les

  1. Journal des Économistes, avril 1914.