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Maréchal au Banteaï Kedai, en y envoyant un groupe de ses danseuses.

Cet après-midi, il a voulu lui donner un autre grandiose spectacle : la reconstitution des cortèges des rois Khmers, tels que les décrit un vieil auteur chinois qui séjourna ici vers 1300 et tels qu’on les retrouve sculptés sur les bas-reliefs du Bayon.

C’est sur la grandiose chaussée d’Angkor-Vat, dans la deuxième enceinte ; une immense et lente procession contourne les galeries dominées par les cinq tours du temple, dans une féerie de couleurs vives qui tranchent sur la teinte morne des pierres. D’abord une cohorte de cavaliers montés sur des poneys sans selles, plus de 50 étendards verts et rouges, des fanions brodés de monstres, des lanciers à pied porteurs de boucliers carrés, une musique, des mandarins à cheval, plus de 200 pavillons en forme de flammes décorés de dragons, de scolopendres ou d’aigles, des parasols rouges à cinq étages ; des éventails par centaines ; encore des orchestres monotones ; puis les Gouverneurs des provinces, les cinquante mandarins de la capitale, des porteurs de gongs, les eunuques et leur chef, le chef des brahmes, émacié, presque exsangue, suivi de prêtres à chignon. Puis les aides de camp et les ministres juchés sur des palanquins : le Prince président du Conseil de la famille royale, le premier Ministre, le Ministre du Palais, ceux de la Guerre, de la Marine et de la Justice ; alors le groupe royal : des licteurs, des pages, les pavillons royaux de couleur jaune, et dominant d’une hauteur d’homme toute cette foule disciplinée, tout en haut d’un trône porté par dix serviteurs, à l’ombre de quatre parasols à neuf étages, symbole de sa puissance, souriant derrière ses lunettes noires, les jambes croisées comme un Bouddha immobile, le roi Sisowath défile devant le Maréchal et le Gouverneur général et les salue de la main.

Nous songeons en les voyant à la description du vieil auteur chinois : « Quand le roi n’a pas son diadème d’or, il enroule autour de sa tête des guirlandes de fleurs odorantes de l’espèce du jasmin : sur le cou, il a près de trois livres de grosses perles ; aux poignets, aux chevilles et aux doigts, il porte des bracelets et des bagues d’or enchâssant des yeux de chat. »

Derrière lui, des pages, encore des parasols, des licteurs, des gardes intérieurs, des bayadères couchées sur des litières, des dames du palais roulées et suspendues dans des hamacs, les