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22 novembre.
Dans le golfe d’Aden. À bord du Porthos.

Voilà traversée la Mer Rouge. Par un sort favorable, la température a été clémente : brise fraîche et pluie.

À Port-Saïd, Ismaïlia et Djibouti, le Maréchal est descendu à terre : il a reçu l’accueil enthousiaste des colons et des indigènes. Déjà sans doute tout le long du Nil mystérieux, son nom est allé rejoindre, dans la mémoire des peuples africains, ceux de Bonaparte, de Lesseps et de Marchand.

Le prince héritier d’Éthiopie lui a envoyé au passage le salut de tout son empire : à Djibouti, un grand chef religieux lui a souhaité la bienvenue en lui disant : « Nous savons le contraste que faisaient avant la guerre les Colonies françaises et allemandes : à l’ombre du drapeau tricolore, les Musulmans vivaient en paix sous une direction juste et bienveillante, respectueuse de la loi du Prophète ; dans les colonies allemandes, au contraire, ils étaient courbés sous une main de fer sans pouvoir librement pratiquer leur religion ; et c’est pourquoi. Excellence, vous qui avez vaincu nos oppresseurs, nous vous saluons au nom de tous nos frères, comme le grand ami du monde musulman. »

Dans l’après-midi, après une pittoresque fête indigène, le Maréchal fit, en auto, la visite de la ville française, des jardins, de la gare, du chemin de fer franco-éthiopien, du marché et du village indigène ; la foule curieuse et rieuse des somalis bondissait autour des voitures comme une troupe de poulains.

Et durant cette promenade, nous songions que, vingt-cinq ans plus tôt, il n’y avait sur cette côte plate et brûlée que quelques huttes sauvages : maintenant, à la même place, voici une ville française, coquette, heureuse, aux maisons solides et confortables, aux larges boulevards bordés de lauriers roses en fleurs et de palmiers, éclairée à l’électricité, égayée de jardins, une population indigène nombreuse, paisible et gaie ; et tout cela dû à une poignée de Français qui ont su faire surgir l’eau souterraine, dresser aux travaux d’Occident les races indigènes, malgré le climat anémiant et la nature ingrate, avec la volonté de faire dominer dans cette partie du monde, sur les routes de Madagascar et de l’Indo-Chine, en face d’Aden anglais, le renom de la Patrie.