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de nouveaux renforts. Notre situation morale et matérielle redevint instantanément aussi brillante qu’aux plus beaux jours d’avant-guerre. »

« Les indigènes de la compagnie du Tidikelt, en apprenant la nouvelle, nous disaient : « Voilà notre père qui revient. Les fellagas (les coupeurs de route) seront vite anéantis. »

Approchons-nous de ce chef qui vaut un renfort de mille hommes, de cet homme à qui les indigènes témoignent une confiance « illimitée » qui va jusqu’à la vénération, et qu’ils appellent leur père.

M. André Bellot, qui fut sous-lieutenant à l’aviation militaire d’Algérie, et a laissé de remarquables rapports sur les pistes automobiles sahariennes, raconte ce qui suit dans le numéro du lundi 7 novembre 1921 du journal L’Auto : « Quelque temps avant la fin des hostilités, en octobre 1918, le général Nivelle avait décidé en principe d’une traversée aérienne du Sahara par les appareils de l’aviation d’Algérie. Faisant partie de cette formation, je fus désigné pour aller rejoindre à Ouargla le général Laperrine et étudier, de concert avec lui, les terrains d’atterrissage possibles et les pistes praticables pour les automobiles de ravitaillement et de dépannage qui suivraient le raid... Nous arrivâmes à Ouargla sans incidents notables, mais le général Laperrine, impatient, était déjà parti pour le Sud ; des ordres m’enjoignaient de le rejoindre à Inifel, à 410 kilomètres plus au Sud, où il attendrait notre arrivée... A Inifel, l’auto est rangée à sa place, les bagages sont descendus, et dans l’ombre, un militaire s’approche et me demande comment s’est passé le voyage. Cet homme sans façons, à barbiche, un vieux képi, pas de galons, un large flottard en toile kaki, semble un vague garde-magasin. Je lui réponds qu’à part quelques petits ennuis et la pluie, tout s’est bien passé ; et, fort occupé à faire quelques recommandations aux mécaniciens, je lui tourne le dos ; puis, je rentre dans le bordj qui est un petit fortin de trente mètres de côté, sans plus. Sur le pas de la porte pas plus éclairé que tout à l’heure, je retrouve mon homme à flottard. « Pardon, monsieur, lui dis-je, pourriez-vous me dire où se trouve le général Laperrine ? — Mais c’est moi, mon ami... Enchanté de faire votre connaissance... » Quatre cents kilomètres et nous débouchons devant le bordj d’In-Salah qui se détache tout blanc sur le fond vert foncé de la palmeraie.. En l’honneur du général,