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Louatik fut donc comblé de prévenances. Mais, comme les riches Ahl Azzi semblaient plus particulièrement en faveur auprès des Touareg de Moussa Ag Amastane, c’est à Bilou, leur chef, qu’on aurait, pour cette fois, recours... En effet, le chef Targui adressait à Bilou des lettres dans lesquelles ses protestations d’amitié pour les Français devenaient de jour en jour plus chaleureuses. En mai 1903, Moussa exprima le désir de faire la connaissance de Bilou. Celui-ci, fort adroitement, « cuisina » le porteur de la lettre : le but de Moussa était de se renseigner sur l’administration française et sur sa manière de procéder avec les indigènes. Quelle joie pour Bilou, quel orgueil il en conçut ; Omar ben Mouley Louatik « était distancé ! » Bilou « tenait la corde ! »

Bilou, muni de nos lettres de créance, se rendit donc en juin 1903 aux campements de Moussa. L’un et l’autre se gardèrent bien de trahir les motifs de leur rencontre ; Moussa n’était pas sûr de ses sujets, si peu sûr que Bilou dut négocier avec lui pendant plusieurs mois, et qu’il résolut d’accompagner Moussa parmi les plus irréductibles d’entre eux. Entreprise téméraire ; Bilou y risquait sa tête. « J’ai fait le sacrifice de ma vie, disait-il, pour réussir dans l’affaire qui nous concerne, et s’il plait à Dieu, nos efforts seront couronnés de succès, à moins que la mort ne vienne me surprendre avant d’avoir terminé mon œuvre. » De fait. Moussa eut peine à sauver la vie de son Mentor. Mais les Touareg Ajjer restèrent réfractaires. Bilou se fit alors plus pressant ; pourquoi Moussa ne se résolvait-il pas à venir à In-Salah apporter sa soumission ? Il arracha enfin le consentement, rassembla autour de Moussa une escorte de quatre-vingts Touareg, — Moussa tenait beaucoup à une imposante escorte ; — en février 1904, Moussa entrait à In-Salah, et se soumettait solennellement ; des fêtes grandioses furent données en son honneur, dont la renommée porta l’écho dans tout le Sahara ; les jours de tranquillité et de paix étaient venus.

Le rôle de Bilou était joué ; qui se refuserait à admirer quelle merveilleuse influence la politique « d’apprivoisement » du commandant Laperrine avait dû exercer sur l’âme des chefs indigènes pour que nous eussions pu susciter en eux tant de dévouement et un pareil esprit de sacrifice ? Le rôle du commandant Laperrine commençait ; il pouvait, à présent, se pencher vers Moussa ag Amastane. Au cours d’une tournée