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l’Allemagne irait-elle à Gênes ? Pour y recevoir des ordres du chauvinisme hystérique d’un Poincaré et les décisions du bloc franco-anglais ? Inutile d’envoyer dans le port italien une délégation et le ministre des Affaires étrangères, un sténographe suffira. » (27 février.) La Deutsche Allgemeine Zeitung, organe de M. Stinnes, cherche à piquer l’amour-propre de M. Lloyd George : accablé de soucis, « il a cédé devant M. Poincaré et le monde perd l’espoir de voir naître une nouvelle politique de salut européen. » Pour M. Theodor Wolff, dans le Berliner Tageblatt, « cette Conférence perd toute signification, car il est impossible de parler de la fameuse reconstruction de l’Europe, si on ne doit pas examiner les charges imposées à l’Allemagne du fait des réparations. » En revanche, la presse anglaise presque tout entière, si nerveuse depuis Cannes, s’est tout à coup calmée ; elle exprime sa satisfaction et son espoir de voir refleurir l’entente. Particulièrement intéressant à ce point de vue a été le discours prononcé le 27 par sir Donald Mac Lean, le fidèle lieutenant de M. Asquith, d’accord avec son chef et avec lord Grey : « L’anxiété que manifeste la France au sujet de sa sécurité mérite toutes nos sympathies et nous nous rendons compte aussi qu’une France amie coopérant sans restriction, avec nous et avec les autres est une condition préalable, essentielle à l’établissement de la paix européenne. »

Ces déclarations prennent un accent plus significatif à la veille de la crise que traverse actuellement la politique intérieure anglaise. La coalition que M. Lloyd George a si brillamment dirigée, a été, à son origine, une formation de combat qui unissait en face de l’ennemi extérieur les forces gouvernementales ; il a fallu toute l’habileté de son chef pour qu’elle survécût à la guerre. Depuis longtemps elle est sapée, d’un côté par certains conservateurs intransigeants qui se demandent pourquoi leur parti, ayant à lui seul une forte majorité à la Chambre des Communes, n’assume pas toute la charge et tous les avantages du pouvoir ; de l’autre par les libéraux-radicaux qui suivent M. Asquith, lord Grey, et qui espèrent que de nouvelles élections donneraient à leur parti uni aux socialistes du Labour Party une majorité de gouvernement. Entre ces deux extrêmes, M. Lloyd George a longtemps espéré constituer une sorte de tiers-parti dont il serait le chef et qui associerait à un programme démocratique et social avancé une politique extérieure traditionaliste et impérialiste ; il n’y a pas réussi et il a dû revenir à la politique de la coalition qui, pendant la guerre, a fait ses preuves, mais qu’il est difficile de donner comme programme à de nouvelles élections.