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il prit une résolution : il écrivit à l’un de ses anciens professeurs pour lui exprimer son désir de fonder une association où les étudiants sérieux pourraient se rencontrer, quand ils voudraient s’entretenir de choses littéraires. Et il offrit une bibliothèque, sa bibliothèque. De semblables idées trouvent toujours bon accueil dans une Université américaine. Une correspondance s’ensuivit. On prie l’ancien étudiant de fournir des détails. Il envoie le catalogue de ses livres. La liste ne contient que des premières éditions, quelques-unes fort rares, de tous les grands auteurs de la Renaissance anglaise ! Et comme le donateur ne veut pas faire les choses à demi, il annonce son intention d’ajouter une maison assez spacieuse pour loger les livres et pour servir aux réunions, avec une somme suffisante pour en assurer l’entretien. Il ne met qu’une condition : les membres n’auront à payer aucune cotisation ! Ainsi prit naissance l’Elizabethan Club. Le nombre des sociétaires est limité à soixante : vingt professeurs, vingt étudiants gradués, vingt étudiants non gradués. A ceux-ci peuvent s’ajouter quarante membres honoraires. On y entre par élection sur proposition d’un comité spécial. Chaque élu possède une clé de la porte d’entrée et a la jouissance des locaux de huit heures du matin à onze heures du soir. La vieille maison achetée à l’usage du club a été ainsi aménagée que le visiteur, quand il entre, peut avoir l’illusion d’être reporté à trois cents ans en arrière. Des boiseries recouvrent les murs ; des tables, des sièges ont été commandés qui reproduisent d’aussi près que possible les meubles de l’époque shakspearienne. Un magnifique portrait de la reine Elisabeth, attribué à Zucchero, orne la cheminée de la grande salle. Et une collection de pipes en terre, sur un râtelier, évoque les temps héroïques du tabac, quand les beaux-esprits faisaient assaut de paroles dans les tavernes de Londres, au milieu de nuages nicotisés, accomplissant un acte d’une audacieuse nouveauté.

Tous les jours de quatre à sept on tient table ouverte : du thé, jamais d’alcool,— qu’eût dit Falstaff ? — des gâteaux, festin peu somptueux, mais qui engage à la bonne humeur. On peut également puiser sans réserve dans le grand pot de tabac que l’administration du club tient toujours garni jusqu’au bord. Rien ne saurait peindre le charme de ces réunions. On entre ; on sonne et le serviteur nègre vous apporte votre thé. Si vous êtes