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les châtaigniers, ensuite les ormes et les charmes. Les hêtres sont à évincer. Le taillis languit à leur ombre, trop épaisse et trop froide. Tout cela terminé, les ouvriers entrent dans le taillis pour le « coucher. » Il y a un sens de coupe, ou plutôt de chute. Tout le bois doit tomber dans la même direction, comme si l’on faisait une jonchée. L’élagage en est plus rapide. La pièce entière abattue, l’on commence à ébrancher et à épointer à l’une des extrémités du chantier, et l’on finit à l’autre, sans quitter le fil, le long de chaque perche. On va devant soi, on « descend » sans perdre un pas. Derrière, les souches restent, bossuant le terrain, sectionnées presque à fleur de tronc, les tiges étant coupées à angle droit, par larges entailles nettes, de forme légèrement convexe, afin d’obtenir le glissement de la pluie sur la plaie. Bien entendu, on n’emploie jamais la scie. Les dents de l’instrument déchirent la fibre, obstruent de poussière de bois les canaux où monte la sève, et retardent ou contrarient son jaillissement. Ces moignons, suivant l’essence, sous l’action de l’air, offrent des colorations différentes. Il en est de veinés et de sanguinolents qui prennent des tons de chair blessée.

Le bois élagué, épointé, on le débite selon l’usage qu’on en veut faire. Le chêne en pièces de charpente légère, en bûches et en rondins ; le châtaignier en chevrons, en douves de futaille, en piquets de vignes ; et quelques sujets pour « mâts » de pailler ; et les branches des deux en « faissonnats » ou fagots. Il est des acheteurs pour chaque catégorie. Vendre en bloc au même individu est une mauvaise opération. De plus, il faut savoir ce qu’on écoule, la qualité en entraînant le prix. Telle pièce est plus ou moins serrée de grain, tel piquet plus ou moins nourri en cœur. Les vignerons, par exemple, attachent une juste importance à cette densité. Les pointes de châtaignier sont utilisées par les jardiniers et les forgerons. Les plus branchues servent à ramer les petits pois, les autres à chauffer les fers pour roues. Tout le monde a vu ramer des pois, sinon chauffer des cercles. On pose ceux-ci à terre, les uns sur les autres, on les couvre de ces ramilles, on y met le feu. Le métal rougit et se dilate. On le saisit avec des pinces, on l’applique autour de la roue. Et tout de suite on l’inonde d’eau. Il siffle, fume, refroidit, se contracte, étreint à fond les jantes qui craquent en se serrant sur elles-mêmes. Puis tout se tait. C’est ajusté. Ces pointes ont une