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jusque-là consolé celui dont les organes « étaient plus qu’à demi conquis par la mort, » il abordait cette fois sa nouvelle tâche avec lassitude, presque avec répugnance.

« Illusion sur illusion ! se plaint-il à Mme Holland, un songe placé dans un songe, voilà les espaces imaginaires où vont se perdre mes pensées d’aveugle, pour retomber sous le poids de la réalité. Depuis plusieurs mois, je me sens gagné par la tristesse, le vide et l’accablement. L’ennui me gagne comme des vagues qui montent toujours et contre lesquelles je suis sans force ; le travail même ne me distrait plus. Je vais publier à part un volume perdu jusqu’ici dans une collection du gouvernement. Je devrais m’en réjouir et cela ne fait que m’effrayer sur une préface que je n’ai pas le courage de commencer. Je crains de n’en pas venir à bout ; je souffre de corps en même temps que d’esprit ; il me faudrait l’espérance de quelque bien et ni autour de moi, ni en moi, je n’en trouve aucune [1]. »

Il mit en effet plus de trois mois à composer cette préface du Tiers-État qui condense en dix pages de synthèse tout l’esprit du livre, pour se terminer par un cri de tristesse et de découragement.

A la fin de 1852, il n’avait pas encore achevé d’ordonner et d’éclaircir ses idées.

« Je suis au milieu des épreuves pour deux éditions qui vont paraître coup sur coup, in-8 et in-18. J’ai une préface à faire dont je n’ai pas écrit le premier mot et sur laquelle mes idées, après avoir été d’avance très nettes, s’en vont l’une après l’autre, à cause de la bizarrerie des circonstances et de l’absence d’une véritable opinion publique. Si vous étiez ici, vous m’aideriez à sortir d’embarras, mais il faut que je me décide seul et le temps me presse. Il faut paraître dans le mois prochain [2]. »

Le temps pressait, parce que l’éditeur Furne qui avait acheté l’ouvrage sept mille francs, désireux de paraître au moment favorable, « avant les mauvais mois du carême, » harcelait l’auteur de ses réclamations.

Soucieux de ne présenter au public, qu’un livre aussi parfait qu’il était en lui de le réaliser, Augustin Thierry avait apporté de profonds changements à l’Introduction au Recueil des Monuments inédits. y

  1. Lettre à Mme Holland : 17 novembre 1852.
  2. Lettre à M. Tiby : 14 décembre 1852.