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qui se refuse à laisser pénétrer dans la plus haute région de l’âme les rayons divins d’un autre soleil, seul principe fécondant des intelligences. » Et la conclusion du réquisitoire était plus outrageante encore, puisqu’elle accusait formellement l’historien « d’avoir falsifié sciemment les textes, falsification sinon toujours formelle, du moins négative, par le silence volontaire passé sur certains faits. »

Augustin Thierry aurait pu mépriser des imputations haineuses, vigoureusement relevées aussitôt par Renan dans les Débats. Leur violence même avait mal servi la fin scandaleuse qu’elles se proposaient : l’insultante diatribe s’était écoulée à vil prix, exportée en Amérique et mise en partie au pilon. Bien au contraire, ces critiques, en dépit de leur évidente partialité, du ton sur lequel elles étaient formulées, le troublèrent profondément et, dans les dispositions nouvelles où il inclinait, un problème se posa devant sa conscience inquiète

Malgré les corrections scrupuleuses qu’il ne cessait pas d’apporter à ses œuvres, l’enfièvrement de la lutte ne l’avait-il pas autrefois égaré au point de lui faire passer la mesure ? S’était-il défendu sûrement contre tout parti pris ? n’avait-il point vraiment méconnu, amoindri le rôle de l’Eglise « par une certaine complaisance pour les sectes dissidentes et un certain penchant à leur trouver des droits contre l’orthodoxie [1] ? » S’il en était ainsi, du moins avait-il commis ces erreurs de bonne foi et se déclarait-il prêt à les réparer. « Je suis bien revenu de ces fautes aujourd’hui et je me prépare à faire, pour une édition ultérieure, des corrections qui, je l’espère, ramèneront mes jugements à l’exacte mesure du vrai [2]. »

Cependant, les « perfidies » d’Aubineau, l’accusant d’avoir dénaturé les textes, « l’atteignaient dans son honneur » et s’il renonça au projet qu’il avait un instant caressé, d’une réfutation publique [3] il voulut du moins protester avec énergie auprès d’Alfred Nettement, qui dans son Histoire de la Littérature française sous la Restauration, avait accueilli sans examen certaines allégations du rédacteur de l’Univers.

  1. Lettre à M. de Circourt, 20 octobre 1852.
  2. Idem.
  3. « Les points de fait sur lesquels M. Nettement a reproduit les dires de M. Aubineau sont presque tous de la plus grande fausseté. J’en ai relevé trois ou quatre en lui écrivant. Dites-moi s’il y a lieu de faire davantage et de m’expliquer devant le public. » (Â M. de Circourt : septembre 1853.)