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Marseille, heureuse Marseille,
Un anneau d’or à l’oreille,
Du stras en tes cheveux bleus,
Tout ensemble jeune et vieille,
Miroir des temps fabuleux,
Toi qui, sous la rose tuile.
Après la soupe au safran,
Manges l’ail pilé dans l’huile.
Toi qui bois ton mazagran
Aux terrasses soleilleuses,
Quelles sources merveilleuses
De vive joie et d’ardeur
J’aime à puiser dans l’odeur
De ta chaude aisselle brune,
Marseille rare et commune.

O mélange d’Orient
Et d’Occident, il émane
De ton visage riant
Une langueur musulmane ;
Mais, sur ton rocher crayeux,
Aussi la Vierge romane
Pose un talon orgueilleux ;
Et par delà l’Évangile,
Et par delà le Coran,
Ton seul dieu, ton seul tyran.
C’est l’enfant fort et fragile.
C’est Eros, cruel et doux.
Ce feu chantant, cette abeille
Qui bourdonne au fond de nous,
Eros qui seul te conseille,
Marseille, heureuse Marseille !



Mais, tournant le dos à la mer.
Il nous faut vers le Nord poursuivre notre route.
Déjà, voici venir, sombre comme l’hiver,
Le wagon qui fume et s’égoutte.