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tracé par Perlet de cet entretien mémorable, on devine qu’il accumula les banalités sur un ton de basse servilité qu’il estimait du meilleur goût ; on conjecture aussi chez le puriste auquel il s’adressait la surprise que ses féaux partisans ne disposassent pas d’un délégué plus distingué et plus marquant. Mais n’est-ce pas besogne illusoire que tenter de relater cette entrevue dont l’un des interlocuteurs n’a pu que mentir et dont l’autre n’a jamais rien raconté ? Il est certain que Perlet dut nommer enfin les membres du chimérique Comité : il était venu pour cela et ne pouvait s’en dispenser : on l’entend suppliant Sa Majesté de lui garder là-dessus le plus profond secret et réclamant la promesse d’une discrétion absolue. On éprouve quelque humiliation à penser que le descendant des Bourbons dut prendre l’engagement de ne révéler à personne les confidences mensongères du misérable. Or ce phénomène de fourberie, cet homme, vivant de tromperies et de faux serments, gardait, des prestigieux préjugés abolis, la conviction qu’un roi de France ne peut trahir ses promesses. Et c’est bien cela qui le mit à l’aise : sûr que ses propos ne seraient pas répétés, il dut citer les noms qui lui semblèrent devoir être les plus agréables à l’oreille du Roi, les mieux choisis aussi pour faire valoir « son œuvre » et l’importance de sa médiation.

La note comique est fournie, en ce répugnant épisode, par Fauche-Borel, retenu loin de la capitale, selon l’ordre de l’Alien-Office. On l’avait autorisé à fixer sa résidence à Oxford ; il piétinait sur place à la pensée que son cher ami Perlet, libéré de sa surveillance depuis sa visite au Roi, allait regagner la France avant qu’ils eussent trouvé le moyen et l’occasion de passer ensemble quelques douces heures d’intimité. Certain de la bonne impression produite par l’agent du Comité de Paris sur les ministres anglais et sur la Cour de Gosfield, préoccupé de rappeler à tous qu’il était, lui, l’inventeur et le mentor de cet homme étonnant, il choyait par correspondance l’espion et lui témoignait des attentions de mère tendre et cajoleuse. Il l’avait obligé à occuper son appartement, vacant par suite de son exil ; mais il se lamentait de n’être point là pour dorloter celui « qui tenait une si grande place dans son cœur. » — « Si j’avais été chez moi, vous auriez trouvé votre dîner tout chaud, à la même heure. » — « Vous couchez dans ma chambre, dans mon lit, et je ne puis vous voir !... Cela n’est-il pas diabolique ? » Il s’inquiète