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de ce côté. Mais c’est à vous de juger s’il est assez mûr pour être sondé. » Et Perlet a répondu, afin de couper court à ces illusions sur le ministre dont son sort dépend : — « Il y aurait beaucoup de dangers à courir, aucun succès à espérer en cherchant à gagner Fouché ! Je vous le dis en mon particulier... Cet homme n’a rien à désirer ; il est comblé d’honneurs et de biens et il a une façon de penser qui ne pourrait aller avec nous. Laissons-le de côté et n’en parlons plus ; je vous réponds que nous pourrons nous passer de lui. » Tranquille désormais sur Fouché, que d’autres il devra compromettre quand il lui faudra révéler les noms de ses complices imaginaires !

Voilà pourquoi Perlet n’éprouve point de hâte à se rendre à l’invitation de ses correspondants de Londres. Mais comme les lettres qui lui viennent d’Angleterre sont remises par lui à Veyrat, qui les passe à Dubois, lequel les communique à Desmarest pour que celui-ci les soumette à Fouché, ces hauts personnages estiment qu’un séjour de leur agent à la Cour du Prétendant pourra leur fournir des éclaircissements précieux, et Perlet reçoit l’ordre de se mettre en route. S’il regimbe, il perdra tout le bénéfice de sa longue et laborieuse tromperie : il obéit donc ; mais il s’attarde en méticuleux préparatifs et en prudentes précautions ; on rencontre à son dossier la liste des renseignements qu’il devra se procurer et des commissions dont on le charge : — « Savoir la situation des deux frères (Louis XVlII et le Comte d’Artois) entre eux et respectivement avec les ministres ; — les noms des Français qui sont allés en Angleterre depuis quatre ou cinq mois ; — quelles sont les idées de l’Angleterre sur la Russie ? — que penser du projet de mariage du Comte d’Artois avec la fille du marquis de Buckingham ? — Rapports sur les différents ouvrages publiés par Puisaye, d’Antraigues, Dumouriez, l’abbé Delamarre, etc., etc. » On retrouve aussi, parmi les papiers de Perlet, une souche en blanc arrachée au registre des passeports, celle, probablement, du passeport qu’il se dresse à lui-même. Il voyagera sous le nom de Bourlac ; mais il signera Charles ses communications. Les lettres à lui adressées devront être envoyées à M. Bellot, marchand au Havre, et rédigées de telle sorte qu’elles puissent passer pour être celles « d’un prisonnier de guerre écrivant à son beau-frère. » Enfin il quitte Paris, sans entrain, le 17 mars 1808, se dirigeant vers la Hollande où il attendra une occasion de