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dans la Méditerranée. Dès le début, s’inspirant des traditions les plus élevées de son histoire, la France allait réaliser la plus pure des conquêtes, suivant la parole de Chateaubriand, bien que le Gouvernement de Charles X, désireux seulement d’en finir avec le nid de corsaires qu’abritait la Régence d’Alger, n’ait pas compris tout d’abord l’importance du rôle que nous devions être appelés à y remplir. L’Angleterre, plus perspicace, s’opposait jalousement à notre installation ; ses hommes d’État prévoyaient l’avenir d’un établissement qui rendrait évidente la faute commise, au XVIIe siècle, lorsque le Parlement de Charles II avait abandonné Tanger. Et l’on se rappelle qu’il fallut l’énergique et patriotique attitude du ministère Polignac pour passer outre et montrera Londres ce que notre action avait, au contraire, de bienfaisant, puisque nous assurions la sécurité de la Méditerranée ; on aurait pu ajouter que nous apporterions l’ordre et la civilisation en Berbérie.

Cependant on doit attendre jusqu’en 1834 pour que le Gouvernement de Louis-Philippe consacre notre conquête ; sur le rapport d’une commission d’études, l’ordonnance du 22 juillet constitue l’administration algérienne avec un gouverneur, sous les ordres du ministère de la Guerre ; il a le titre de Gouverneur général des possessions françaises dans le Nord de l’Afrique. La dénomination d’Algérie ne prévaudra que plus tard.

A mesure que s’affermissait notre domination, les colons s’accommodaient de moins en moins du régime militaire. En 1848, la réaction se produit fatalement ; le Gouvernement d’alors, dans la plus généreuse des illusions, croyant à une assimilation presque complète de l’Algérie à la France, n’hésite pas à transporter l’organisation métropolitaine sur ce sol africain où ne vivaient encore que quelques milliers d’Européens perdus dans une masse de plusieurs millions d’indigènes.- Politique sans mesure qui provoque, sous le Second Empire, la contre-partie ; mais il en subsistera une centralisation vers la Métropole dont la colonie sera longtemps victime.

On se rappelle les idées de Napoléon III. Le souverain était revenu d’un voyage de quelques semaines en Algérie, séduit par la majesté des grands chefs arabes et par les spectacles où s’était complu son imagination romantique ; il venait, en France, de rendre la liberté à Abd-el-Kader ; avec cette générosité qui n’était ni sans grandeur ni, disons-le, sans habileté, il méconnaissait,