Puis il s’effondre, évanoui, sur un canapé. De ses rudes mains, Pourichkiéwitch l’empoigne, le secoue, le relève, lui prend son revolver et l’entraîne, avec les autres conjurés, vers l’appartement du rez-de-chaussée.
Raspoutine n’est déjà plus dans le salon. Il a eu assez d’énergie pour ouvrir la porte qui accède au jardin, et il se traîne sur la neige,
Pourichkiéwitch lui envoie une balle dans la nuque et une dans les reins, tandis que Youssoupow, furieux, hurlant, va chercher un candélabre de bronze et en frappe à coups redoublés le crâne de sa victime.
Il est deux heures et quart du matin.
Au même instant, l’automobile du grand-duc Dimitry arrive devant la petite porte du jardin.
Aidés par un domestique sûr, les conjurés enveloppent Raspoutine dans sa pelisse, lui remettant même ses galoches, afin que nulle pièce à conviction ne reste au palais, et chargent le corps dans l’automobile, où s’installent rapidement le grand-duc Dimitry, le docteur de Lazovert et le capitaine Soukhotine. Puis, sous la conduite de Lazovert, la voiture part à toute vitesse pour l’île Krestowsky.
Le capitaine Soukhotine était venu, la veille, explorer les berges. Sur ses indications, l’automobile s’arrête près d’un petit pont, en aval duquel la vitesse du courant a fait un amas de glaçons, entrecoupé de crevasses. Là, non sans peine, les trois complices transportent leur pesante victime jusqu’au bord d’un trou et l’enfoncent dans l’eau. Mais la difficulté matérielle de l’opération, l’épaisse obscurité de la nuit, les sifflements aigres du vent, la peur d’être surpris, l’impatience d’en finir achèvent d’exaspérer leurs nerfs. Aussi, ne s’aperçoivent-ils pas qu’en poussant le cadavre par les pieds, ils ont fait sauter une de ses galoches, qui est restée ensuite sur la glace ; c’est la découverte de cette galoche qui, trois jours plus tard, a révélé à la police le lieu de l’immersion.
Tandis que cette besogne sinistre s’accomplissait à l’île Krestowsky, un incident survenait au palais de la Moïka, où le prince Félix et Pourichkiéwitch, demeurés seuls, s’occupaient hâtivement à effacer les vestiges de l’assassinat.
Quand Raspoutine avait quitté son domicile de la Gorokhowaïa, un agent de l’Okhrana, Tikhomirow, qui avait pour