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Mercredi, 22 novembre.

François-Joseph Ier, Empereur d’Autriche, Roi apostolique de Hongrie, Roi de Bohême, de Dalmatie, de Croatie, d’Esclavonie, d’Illyrie et de Galicie, Roi de Jérusalem, etc., est mort hier, dans sa quatre-vingt-septième année.

On en parle à peine, comme d’un fait insignifiant. La réalité actuelle dépasse tellement toutes les conséquences qu’on prévoyait jadis, lorsqu’on vaticinait sur la disparition du vieil Empereur !...

Je n’ai pas le temps d’écrire son oraison funèbre ; mais, pour apprécier son règne, je n’ai qu’à me rappeler le mot terrible de son prédécesseur, Ferdinand Ier, qui fut contraint d’abdiquer en 1848 et qui vécut retiré à Prague jusqu’en 1875. Peu après Sadowa, se remémorant les défaites de 1859 et la perte de la Lombardie, puis voyant l’Autriche définitivement exclue de l’Allemagne et obligée de céder la Vénétie, le vieux souverain détrôné s’écria : « Mais pourquoi m’a-t-on chassé en 1848 ? J’aurais été tout aussi capable que mon neveu de perdre des batailles et des provinces ! »



Jeudi, 23 novembre.

Ce soir, vers dix heures, tandis que je travaille seul dans mon appartement, un de mes informateurs, très sûr, me fait tenir ce billet :

Je ne veux pas attendre à demain pour annoncer à Votre Excellence une grosse nouvelle : M. Sturmer est démissionné et remplacé, à la présidence du Conseil, par M. Trépow.

La nouvelle me ravit, mais ne me surprend pas. En se séparant de Sturmer, l’Empereur prouve une fois de plus qu’il est capable de résolutions excellentes, lorsqu’il est soustrait à l’influence de l’Impératrice.



Vendredi, 24 novembre.

La retraite de Sturmer est officiellement publiée ce matin. Trépow le remplace à la présidence du Conseil ; le nouveau ministre des Affaires étrangères n’est pas encore désigné.