Dimanche, 5 novembre 1916.
Ce soir, au Théâtre Marie, j’assiste à une suite de ballets ravissants : Les Nuits égyptiennes, Islamey, Eros. Tout le public est comme fasciné par ces féeries charmantes, par ces aventures de rêve et de volupté, par ces décors de mystère et d’enchantement.
A l’un des entr’actes, je vais fumer une cigarette dans l’arrière-loge du ministre de la Cour. J’y trouve le général W... que ses fonctions mettent en contact quotidien avec la garnison de Pétrograd. Ayant eu récemment l’occasion de lui rendre un service et sachant qu’il est animé des sentiments les plus patriotiques, je lui demande :
— Est-il exact que les troupes de Pétrograd soient gravement contaminées par la propagande révolutionnaire et que l’on songe même à en expédier la majeure partie sur le front pour la remplacer par des régiments sûrs ?
Après quelques instants d’hésitation, il me répond d’une voix franche :
— C’est vrai ; la garnison de Pétrograd n’a pas un bon esprit. On l’a vu, il y a huit jours, quand s’est produite la