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douteux, on expose notre faculté de médecine, déjà suspecte d’hétérodoxie, aux attaques des intransigeants. »

J’ai visité avec beaucoup d’intérêt les écoles normales de filles et de garçons, qui m’ont paru dotées d’installations et de programmes très modernes. Je n’ai plus à faire l’éloge du lycée impérial de Galata-Seraï, admirable fondation de Victor Duruy et de Fuad Pacha (1868). On sait que l’enseignement y est donné en turc et en français à un millier d’élèves, et que depuis cinquante ans il n’est guère de hauts fonctionnaires ottomans, diplomates, militaires ou administrateurs, qui ne s’honorent d’en être sortis. Pendant les années de leur occupation, les Allemands s’acharnèrent contre cette maison, qu’ils considéraient à bon droit comme une des bases de l’influence française en Turquie : leurs efforts se heurtèrent à la résistance habile et énergique du directeur, Salih Arif Bey, qui transporta les classes dans les dortoirs, lorsque l’autorité militaire allemande eut réquisitionné les deux tiers de l’immeuble, coupa les arbres du parc pour alimenter les fourneaux de cuisine, lorsqu’on lui supprima sa ration de charbon, et, durant toute la guerre, avec le concours ordinaire de ses collaborateurs ottomans et français, continua son œuvre, sans permettre que rien fut changé aux programmes du vieux lycée.

J’ai gardé aussi la meilleure impression de quelques visites aux lycées turcs de garçons et de filles, où, le plus souvent, une part, plus ou moins importante, est faite à l’enseignement de la langue française. Le détail de leur organisation ne rentre pas dans le cadre de cette étude. Je me borne à noter, en passant, la tenue parfaite de ces établissements, le maintien digne, presque grave, de tous ces enfants turcs, des plus âgés jusqu’aux plus petits. J’avais déjà fait une remarque analogue en me promenant dans les vieux quartiers de Stamboul : on y entend rarement un cri, ou le bruit d’une dispute ; si je m’approchais d’un groupe de gamins animés et joueurs, je les voyais aussitôt suspendre leur jeu et prendre, en face de l’étranger que j’étais, une attitude convenable et silencieuse. « Ainsi le veulent nos usages, — m’expliqua R. H... Bey. — Ce n’est pas seulement devant un étranger, mais devant toute grande personne, qu’un enfant turc doit, par respect, se tenir immobile et garder le silence. Jamais je n’aurais osé fumer une cigarette en présence de mon père. Riches ou pauvres, nous étions, jusqu’à ces derniers