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l’influence des législations occidentales : elle ne nous a pas été salutaire. Que des hommes de science, d’expérience et de talent s’appliquent à développer les principes du droit musulman dans le sens de l’évolution du monde, mais aussi, dans leur direction logique et naturelle : ils y trouveront les meilleures solutions des problèmes qui se posent aujourd’hui et tous les moyens de faire face aux exigences compliquées et aux obligations mal définies de la vie moderne la plus civilisée. »

En sortant de l’Université, je traversai la place du Séraskiérat et j’allai flâner au Grand-Bazar. Dans l’obscurité délicieusement fraîche des longues galeries, Grecs, Arméniens et Israélites, postés au seuil des boutiques, guettaient le client rare. Offres alléchantes et mensongères, mystérieux trafics entre courtiers et marchands, serments éhontés, feintes indignations : dans les discours, dans les gestes, dans les actes, la « recherche de l’utile, » déconseillée par le Coran, triomphait insolemment et le plus souvent, sans doute, au mépris de la justice et de la vérité. Les bons musulmans, silencieux, regardaient faire. J’entrai chez un marchand grec, qui m’avait vendu la semaine précédente des tissus brodés d’Anatolie. Il fit apporter deux tasses de café et nous parlâmes politique. « Vos armées remportent de grands succès en Asie, — lui dis-je, et l’on annonce que le roi Constantin va marcher sur Constantinople. Qu’en pensez-vous ? » L’homme répondit simplement : « Si les Grecs viennent ici, je m’en irai ailleurs. » N’était-ce point là, en raccourci, toute la question d’Orient ?


LA CONDITION DES FEMMES

Notre second entretien eut pour objet la condition des femmes dans la société musulmane. Sur ce point aussi, les professeurs de Stamboul s’appliquèrent à écarter les critiques et à combattre les préjugés qu’entretient en Occident une ignorance à peu près complète de l’Islam, de ses coutumes et de ses lois.

« En principe, — expliqua le professeur de droit familial, — le Coran reconnaît entre les deux sexes une égalité presque absolue ; notre législation attribue cependant à la femme une certaine supériorité, en ce qu’elle dispose librement de ses biens