rituelles : la principale est celle de la prière et du culte rendu à Dieu ; sur ce point, rien ne peut être changé au fond ; mais, dans la forme, on se montre de plus en plus libéral. Et ce libéralisme est d’autant plus inévitable que ni le gouvernement, ou, si vous voulez, l’autorité politico-religieuse, ni le clergé ne constituent chez nous des intermédiaires entre le fidèle et Dieu. Dans la religion musulmane, le prêtre n’est pas un organe strictement nécessaire ; aussi n’avons-nous pas de caste sacerdotale, ni même, à proprement parler, de hiérarchie ecclésiastique. Le prêtre, dans l’Islam, est celui qui connaît la loi, l’enseigne, et, en certaines occasions, dirige les cérémonies du culte.
« Le rôle des prêtres étant ainsi défini, vous devinez quelle peut être leur influence. Elle est considérable sur le bas peuple, en particulier dans les campagnes ; elle est beaucoup moindre sur les habitants des villes, plus faible encore à Constantinople. Je ne prétends pas qu’en Turquie, à l’heure actuelle, la majorité des prêtres musulmans soit assez éclairée pour approuver l’évolution que je prévoyais tout à l’heure ; mais il y a, dès à présent, un certain nombre de prêtres intelligents qui la comprennent et la désirent ; et ceux-là, loin d’encourir le blâme ou de provoquer la défiance, sont généralement très respectés. »
« Fatim Effendi, — observa Izzet, — en est lui-même un exemple. » Je demandai encore au professeur comment se recrutait le clergé musulman de Turquie, et selon quelles disciplines il était formé. Fatim Effendi me l’expliqua volontiers :
— La carrière n’est pas lucrative et elle ne jouit plus d’autant de prestige qu’autrefois : aussi notre clergé ne se recrute-t-il guère que dans les classes populaires. Les futurs prêtres sont instruits dans les médressés ou écoles religieuses. Dans ces derniers temps, le niveau des études s’était abaissé : on négligeait la philosophie et la vraie théologie, pour s’enfermer dans une scolastique assez vide. Mais le Gouvernement vient d’entreprendre une réforme sérieuse des médressés. Aujourd’hui les connaissances générales d’un étudiant en théologie s’étendent un peu au delà du programme de votre brevet supérieur. L’enseignement spécial porte sur les langues turque et arabe, la lecture et l’interprétation du Coran, la législation coranique, l’histoire des religions et celle des philosophies, considérées dans leurs rapports avec la religion musulmane.