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— Abdiquer ?... Vous voyez l’Empereur abdiquant ? Et en faveur de qui ?

— En faveur de son fils, sous la régence de l’Impératrice. Soyez sûr que c’est le plan de Sturmer, ou plutôt de ceux qui le mènent... Pour arriver à leurs fins, ces gens-là ne reculeront devant rien : ils sont capables de tout. Ils provoqueront des grèves, des émeutes, des pogroms, des crises de misère et de famine : ils créeront partout une telle gêne, un tel découragement, que la continuation de la guerre deviendra impossible. Vous ne les avez pas vus à l’œuvre, en 1905 !

Je résume tout ce qu’il vient de me dire, et je conclus :

— La première chose à faire est de démolir Sturmer. Je vais y travailler



Samedi, 7 octobre.

Entre le Styr et la Zlota Lipa, les Russes sont arrêtés par les ouvrages inexpugnables accumulés devant Lemberg. Ils sont, de plus, obligés de reporter leur effort principal à cent kilomètres au Nord, dans la région de Loutzk, où les Allemands les attaquent vigoureusement.

Depuis le début de leur vaste offensive, les armées du général Broussilow ont capturé 430 000 hommes, 650 canons et 2 700 mitrailleuses.

Mme G., dont le mari occupe un poste important au ministère de l’Intérieur, est depuis nombre d’années l’Égérie de Sturmer. Intrigante et ambitieuse, elle a soutenu Boris-Wladimirowitch pendant toute sa carrière administrative. Depuis qu’elle a réussi à en faire, par la grâce de Raspoutine, un président du Conseil, les rêves de grandeur qu’elle forme pour lui n’ont plus de limite. Elle disait récemment à une de ses amies, en soulignant ses paroles avec une gravité mystérieuse, comme si elle confiait un secret d’État : « Vous assisterez bientôt à de grandes choses. Avant peu, notre chère patrie entrera dans la vraie voie du salut. Boris-Wladimirowitch sera le Premier Ministre de Sa Majesté l’Impératrice !... »



Dimanche, 8 octobre.

Une personne qui me renseigne assez exactement sur ce qui se dit et sur ce qui se fait dans les milieux avancés, me signale