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Dimanche, 1er octobre.

Réception à l’ambassade du Japon, en l’honneur du prince Kanin. La soirée est des plus brillantes ; le grand-duc Georges, le grand-duc Serge, le grand-duc Cyrille, etc., y assistent.

Je félicite mon collège Motono de son succès. Il me répond, avec sa finesse et son flegme habituels :

— Oui, c’est assez réussi... Quand je suis arrivé comme ambassadeur à Pétrograd, en 1908, on me parlait à peine, on ne m’invitait nulle part, et les grands-ducs affectaient de ne pas me connaître... Aujourd’hui, tout est changé. Le but que je m’étais donné est atteint : le Japon et la Russie sont liés d’une véritable amitié...

Tandis qu’on se presse au buffet, j’avise un haut fonctionnaire de la cour, E..., qui, m’ayant pris en amitié, ne manque jamais une occasion d’épancher dans mon cœur son nationalisme soupçonneux et intempérant. Je lui demande de ses nouvelles.

Sans avoir paru entendre ma question, il me désigne Sturmer, qui pérore à quelques pas de nous. Puis, le visage tragique, il me lance :

— Monsieur l’ambassadeur, comment vous et votre collègue d’Angleterre n’avez-vous pas déjà mis fin aux trahisons de cet homme ?

Je le calme :

— C’est un sujet que je traiterai volontiers avec vous... mais ailleurs qu’ici. Venez donc déjeuner en tête-à-tête, jeudi.

— Je n’y manquerai certes pas.



Lundi, 2 octobre

La bataille, engagée entre le Styr et la Zlota Lipa, se poursuit avantageusement pour les Russes, qui ont défoncé les premières lignes de l’ennemi et lui ont fait 5 000 prisonniers.

Mais une contre-attaque puissante des Allemands se dessine à cent kilomètres au Nord, dans la région de Loutzk.



Mardi, 3 octobre.

Sturmer a réussi à faire sauter son mortel ennemi, le ministre de l’Intérieur, Khvostow ; il n’a donc plus rien à craindre de l’affaire Manouilow.