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— Il dépend de nous, dis-je, que la situation tourne à notre avantage, pour peu que nous agissions avec promptitude et résolution.

— Assurément... Assurément...

Puis, avec hésitation, comme s’il cherchait ses mots, il reprend :

— Que ferons-nous, si le roi Constantin s’obstine dans sa résistance ?

Et il me regarde bizarrement, d’un œil interrogateur et fuyant. Je feins de réfléchir. Il répète sa question :

— Que ferons-nous du roi Constantin ?

Si ce n’est une insinuation, c’est du moins une amorce et qui se rattache visiblement à la pseudo-confidence du journaliste russe.

Je réponds, en termes évasifs, que les événements d’Athènes ne me sont pas encore assez exactement connus pour que je me risque à formuler un avis pratique ; j’ajoute :

— Je préfère d’ailleurs attendre que M. Briand m’ait instruit de ses vues ; mais je ne manquerai pas de lui faire connaître que, dans votre esprit, la crise actuelle met directement en cause le roi Constantin.

Nous passons ensuite à d’autres sujets : visite du prince Kanin, mauvaise tournure des opérations militaires dans la Dobroudja et dans les Alpes de Transylvanie, etc.

En me retirant, je remarque sur les panneaux du cabinet trois gravures qui n’y étaient pas la veille. L’une représente le congrès de Vienne, l’autre le congrès de Paris, la troisième le congrès de Berlin.

— Je vois, mon cher président, que vous vous êtes entouré d’images suggestives.

— Oui, vous savez que j’aime passionnément l’histoire. Je ne connais rien de plus instructif...

— Et de plus trompeur.

— Oh ! ne soyez pas sceptique ! On ne croit jamais assez !... Mais vous ne remarquez pas ce qu’il y a de plus intéressant.

— Je ne vois pas...

— Cette place vide !

— Eh bien ?

— C’est la place que je réserve pour le tableau du prochain congrès, et qui s’appellera, si Dieu m’entend, le congrès de Moscou !