nous irons voir les pièces nouvelles... Je vous fais rire parce que je suis « bon public, » si bon public que, longtemps ensuite, je vois, j’entends encore, je me plais ou me déplais, me divertis où m’impatiente. Dans ma solitude momentanée j’évoque encore mes impressions et je vis là-dessus jusqu’au plaisir nouveau.
Quel bel affreux moment nous avons passé à Jacqueline ! Quel talent a cet Henri Duvernois et ont ces Guitry ! Quelle poigne ! quelle douleur forte, âpre, profonde et dont la réalité me râpe encore ! Puis, quelle charmante pièce que Comédienne ! quel dialogue gai, vivant et simple, d’une si jolie qualité, de tant d’esprit, et d’un si aimable langage ! Et, sous ses apparences de grâce affectée et pourtant si vraie, quel caractère douloureux, acharné, rebelle que celui de cette Comédienne qui, après un essai bien bref de résignation à la nature, ne veut pas vieillir, ne veut pas vieillir encore !
Ne veut pas vieillir non plus, cette Léa de Chéri, qui, sous ses airs archi-modernes et la saveur juteuse de l’admirable français direct et pur de Colette, est une pièce classique ; Léa est une sorte de Phèdre et Chéri un Hippolyte qui, au lieu d’être dévoré par un monstre, par plusieurs monstres fut élevé ; vous savez bien, l’étonnante scène des vieilles qui sont Parques, Furies, Euménides, spectres enfin de ce qui fut et fut peut-être beau. Comme on se sent moral après avoir écoulé toutes ces choses ! Comme on veut être bon ; comme on se résigne à des cheveux blancs ; comme elle paraît belle, une vieille grand’mère ; et comme on est bien résolue à n’être « pas comme ça !... » Et cette douleur, celle horreur, cette fatalité de ce qui vient trop tard et de tout ce qui passe, c’est bien là une impression que laissent certaines œuvres classiquement tragiques.
Je pense à cette grande œuvre bizarre et profonde, l’Ame en folie, où l’homme et ses instincts rôdent dans une « forêt de symboles. » Je revois Mme Piérat dans Aimer, où l’auteur ne sait pas ce que l’héroïne veut, mais où l’actrice, elle, est si jolie !... Je revois l’étonnant artiste qu’est Chevalier dans ce Dédé si gai et si célèbre, et l’admirable représentation de Molière au Louvre, les bougies, les tapisseries, les costumes, et là de nouveau Mme Piérat encore plus jolie... Puis je passe à Mlle Thérèze Renz, charmante en dompteuse avec son éléphant si bien élevé qu’elle pourrait le mener dans le monde ; et aux lions et aux