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Quel âge peuvent-ils compter, si hauts, si longs, si minces, si flexibles, adolescents qui ont trop vite grandi, et si souples et si étroits que le vent les balance comme des palmes ? Ce sont les novices en blanc de la forêt austère, aux tons capucins et franciscains ; ils sont si enfants qu’ils ont besoin, pour se sentir heureux, des forces du rythme et de la lumière. Alors, pinceaux légers, ils enluminent cette page d’horizon d’un indigo de missel ; ils caressent le ciel de leurs cimes si fines ; et, ce faisant, ils oscillent à la mesure d’un muet cantique ; il leur faut du mouvement et de la couleur, à ces pauvres petits frères ; et, à force de les regarder se balancer, se dodeliner, s’incliner, et se bercer, on se sent pris d’un vertige de voyage, d’une nostalgie bleue et argent, où les bouleaux pieux sans doute se racontent qu’un jour, cessant enfin d’être retenus à la terre, ils iront en pèlerinage jusqu’à l’azuré paradis.


Un petit oiseau a volé soudain très bas ; un roitelet ? si minuscule ? bien huppé ? Il a fui trop vite ; on l’a très mal vu. Et, du fond du bois, un appel d’oiseau si gentil, si peureux, vibre. Encore un ; et un autre aussi. Que disent-ils, devant le soleil qui décline ? Ils adressent une toute petite supplication aux grandes forces de la nature : « Ah ! soyez bonne pour nous qui sommes si petits et qui allons mettre bientôt au monde, au sortir de leurs petits œufs, des enfants plus petits que nous encore. Nous voudrions tant vivre heureux ! Finis vite, hiver ! Printemps, sois-nous tendre... Pstt... tri-tri-tri, psst, pchtt... » Et, de nouveau, le silence et le froid plus obscur.

Qu’importe ! Retournons encore un peu dans la forêt, aux places où les feuilles mortes sont roses ; plus loin, là-bas, où les fûts sont en velours émeraude tout habillés par cette mousse brodeuse et si vertement velue que l’on nomme, je crois, Zygodon. Zygodon : on dirait un nom de nain... Et, justement, dans cette déclivité, ne voilà-t-il pas la maison d’un nain. Là, toute trapue et toute basse parmi des troncs abattus, à mi-chemin de ce sentier en pente qui s’enfonce .si mystérieusement dans le crépuscule ? Quelle bizarre cabane où l’on pourrait tout an plus ranger des outils ! Mais elle possède une cheminée qui fume ; elle possède une fumée aussi grande qu’elle est petite. Habitez-vous ici, nain Zygodon ? Viendrez-vous m’ouvrir, si je heurte à votre