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les mêlées humaines, avant de gravir le sommet d’où maintenant il les domine.

Pour s’orienter encore, il aura l’immense trésor de lectures qu’accumula toute sa vie. N’allons pas croire que l’érudition du préfet de l’Ambrosienne devienne inutile au pape Pie XI, son pontificat connaîtra probablement des heures fort originales, dans lesquelles s’épanouira et se condensera toute son expérience de savant. Et c’est peut-être parce que savant, qu’il était par excellence l’homme de l’heure. De plus en plus, l’érudition anglicane, solide et subtile, fouille avec une sollicitude fervente le vieux passé chrétien ; un mouvement de science religieuse avait, avant la guerre, commencé de se dessiner en Russie ; un calme esprit de sérénité scientifique anime le programme de rendez-vous que proposent aux diverses Eglises les épiscopaliens d’Amérique. Les polémiques théologiques parais- sent se tourner, de plus en plus, en débats historiques : c’en est fini, ou presque fini, du genre de controverses qu’engageaient contre les docteurs de Rome un Bèze ou un Duplessis-Mornay ; les méthodes employées vis-à-vis d’un Molanus ou d’un Leibnitz par le grand historien trop souvent méconnu qu’était Bossuet, apparaissent aujourd’hui comme les méthodes de demain. Pour diriger ce labeur, auquel l’Institut pontifical créé par Benoit XV pourra s’associer efficacement, nous voyons s’installer sur la chaire de Pierre, pour la première fois depuis longtemps, un érudit de profession. Léon XIII jadis offrit au monde savant, par l’ouverture de la Bibliothèque et des Archives, un admirable champ de travail et un précieux outillage ; Pie XI complétera l’œuvre, en indiquant à l’univers croyant comment ce champ doit être exploité, et comment ces outils doivent être maniés, et comment les beaux élans catholiques de fièvre intellectuelle peuvent préparer, à brève ou longue échéance. La libre acceptation d’une seule et même vérité par une chrétienté pacifiée, joyeusement unie.


GEORGES GOYAU.