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romaine, qui « s’est toujours montrée la championne de l’unité chrétienne à recouvrer, » fût propice à la World Conference. Et la lettre se terminait par un cri d’espoir en Dieu, qui, si difficile que fût l’œuvre tentée, se laisserait « fatiguer » et fléchir par les prières de ses fils, « aspirant à la plénitude de la paix. »

En présence de pareilles avances, Rome possède une norme que depuis longtemps elle suit : elle fut fixée par le Saint-Office, en 1864, dans un document destiné aux catholiques d’Angleterre. Il leur fut prohibé d’entrer dans une société qu’avaient fondée des non-catholiques en vue de la réunion des Eglises. Le Saint-Office, en 1919, remettra ce document en lumière, pour éclairer les fidèles de Rome sur l’attitude qu’ils devront observer à l’endroit de la World Conference [1].

Mais d’avance Benoît XV avait généreusement corrigé l’impression d’amertume qui aurait pu succéder à cette inévitable décision. Sur son ordre, à la date du 18 décembre 1914, le cardinal Gasparri avait exprimé aux épiscopaliens les sentiments d’amour du Pape : « De quel amour, leur disait-il, j’ai vu s’enflammer à votre égard l’auguste Pontife, mes paroles ne l’expriment pas. » Il leur affirmait la satisfaction qu’avait ressentie Benoit XV en constatant qu’ils voulaient « plonger leurs regards dans la forme intime de l’Eglise ; » il leur précisait les vœux que formait Sa Sainteté pour « qu’à l’issue de leur travail, séduits par la beauté native de cette Eglise, ils ne permissent plus que le corps mystique du Christ demeurât plus longtemps disloqué. » Et les remerciant au nom du Pape de s’être adressés au Pape, le cardinal Gasparri leur disait : Benoît XV va prier, — prier « d’autant plus, que le Pape, d’après le langage même du Christ, sait être le principe et la cause de l’unité de l’Église, et celui à qui tous les hommes, furent confiés pour qu’il les fît paître. » Au delà même de ces prières ainsi promises, le cardinal voulait entrevoir la réalisation des vœux du Pape, qui sont aussi, disait-il, ceux de Jésus-Christ. « Alors, pas de haine, pas de guerre, pas de larmes ; mais les bienfaisants dons de la paix assureraient le bonheur, même sur terre, à la race humaine qui monte vers la vie éternelle. »

Le premier Noël de la Grande Guerre approchait, lorsque le cardinal Gasparri signait cette lettre : il allait être ensanglanté,

  1. Nouvelles religieuses, 1er septembre 1919, p. 518.