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vie en Christ ; » et l’on pourra considérer l’ordination, non pas comme une liturgie sacramentelle dont l’origine apostolique est nettement établie, mais, tout simplement, comme une formalité d’accès au ministère ecclésiastique. Mais si l’anglicanisme, poussé par sa charité même pour les non-conformistes, dévale trop loin sur cette pente, que diront, alors, les Eglises orientales auxquelles, d’autre part, il tend la main ?

M. Gore, en 1918, protesta solennellement contre la consécration comme évêque d’Heresford d’un théologien rétif aux doctrines traditionnelles sur la naissance miraculeuse et sur la résurrection du Christ, le docteur Hensley Henson ; et toute une fraction de l’Eglise anglicane fut très choquée de cette consécration : si l’Etat doit nous imposer de pareils évêques, grondèrent même certaines voix, mieux vaut se séparer d’avec lui [1]. Les théologiens orientaux qui d’un cœur léger fraterniseraient avec des théologiens détachés de la vieille dogmatique risqueraient de sacrifier leur propre tradition religieuse à un mirage d’éphémère union. D’aucuns cependant semblent y incliner : tel, par exemple, le secrétaire général du Phanar, qui, au moment de l’invitation qui lui fut adressée par la conférence anglicane de Lambeth, écrivait : « La réunion religieuse est plus facile avec l’Eglise anglicane, en dépit des divergences, qu’avec n’importe quelle autre Eglise, en dépit des ressemblances. » Il y a beaucoup de finesse dans ce témoignage d’un Oriental : l’ambiguïté même que Maistre signalait dans l’anglicanisme peut échafauder certaines façades d’entente, dussent-elles reposer sur d’occultes ou discrets malentendus.

Mais l’Eglise de Rome, elle, se tient à distance de ces architectures-là : son autorité est éprise de clarté ; et les bienfaits de l’union lui paraîtraient précaires, si elle devait les acheter au prix de certaines réserves mentales. On sait ce qu’elle est, on sait ce qu’elle ne veut pas cesser d’être.

Des manifestations oratoires comme celles de l’évêque anglican F. T. Woods ou de M. N. P. Williams, le fellow d’Oxford, au congrès anglican de 1919, attestent que l’anglicanisme, tout en considérant qu’aucune réunion des Eglises ne sera vraiment satisfaisante si elle n’englobe la grande Eglise latine d’Occident, n’espère pas, pour l’instant, un pareil résultat, et

  1. Lord Halifax, Le Correspondant, 25 mai 1918, p, 629-635. — Datin, Études, 20 mars 1918, p. 737.