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envoyé à la Chambre des représentants, qui le votera sans doute à son tour. M. Mac-Cormick, dans une polémique avec des journaux français, s’est défendu d’être animé d’un sentiment malveillant à l’égard de l’Europe en général et de la France en particulier. Des Pyrénées à la Volga, a-t-il dit en substance, il y a plus de douze Gouvernements qui, presque tous, sont les débiteurs des États-Unis dont la créance totale atteint sept milliards de dollars. Or, ces États, ex-associés, ou ex-ennemis, ou ex-neutres, — car M. Mac-Cormick les met dans le même sac, — font des dépenses dépassant leurs ressources, non seulement pour la reconstruction, ce qui serait acceptable, mais pour de fortes armées, pour un trop grand nombre de fonctionnaires civils, pour les intérêts de leurs dettes intérieures ; leur budget est en déficit continu et grandissant ; cette situation jette l’inquiétude dans l’esprit du citoyen américain ; il se demande s’il n’est pas en quelque sorte complice de l’entretien de grandes armées et de fonctionnaires parasites ; il ne comprend pas pourquoi l’Europe n’accomplit pas les réformes et les économies que les États-Unis ont réalisées. — Ces scrupules sont nouveaux ; ils dénotent une parfaite ignorance des conditions réelles de la vie politique dans l’Europe continentale, mais surtout, ils révèlent avec quelle adresse les uns, avec quelle candeur les autres, ont tiré parti des imprudences de la délégation française à la Conférence de Washington. « De la France vient tout le mal ; elle ne rêve que guerre et conquête ; elle ne pense qu’à anéantir la pauvre Allemagne... » Les Américains ne délestent pas de s’admirer dans le rôle hautement moral de pacificateurs et de redresseurs de torts ; les succès qu’ils ont remportés à la Conférence de Washington les ont quelque peu grisés ; ils se flattent de désarmer l’Europe et d’assurer le règne perpétuel de la paix et du droit. Les États-Unis sont créanciers de la France ; les Français affirment que le remboursement de leur dette dépend des paiements de l’Allemagne et de la Russie ; il en résulte, conclut la Chicago Tribune (26 janvier), que les États-Unis ont le droit de s’assurer que la politique actuelle de la France est compatible avec la solvabilité de l’Allemagne et de la Russie ; « nous avons un intérêt matériel à savoir si la politique française est sensée ou insensée. »

On voit ici percer le bout de l’oreille, d’une oreille allemande. M. Poincaré ayant affirmé le droit pour les Alliés d’établir, si l’Allemagne se soustrait à ses obligations, « un contrôle sérieux et efficace sur le budget du Reich, les émissions de papier et les exportations, » voici les États-Unis qui laissent entendre qu’ils pourraient