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Chronique 14 février 1922

CHRONIQUE DE LA QUINZAINE [1]

Trois faits, qui se sont produits cette quinzaine en Allemagne, nous apportent des lumières nouvelles sur l’état mental et moral du peuple allemand. Le 30 janvier, à Gleiwitz, en Haute-Silésie, des officiers français, dans le plein exercice de leur droit, ont découvert et saisi un dépôt d’armes, de munitions et d’équipements. Dans la nuit suivante, une troupe d’Allemands organisés, de l’effectif d’une compagnie, se sont approchés sans bruit de la caserne où est cantonné le 27e bataillon de chasseurs à pied français ; au commandement d’un chef, ils ont jeté, par les fenêtres, sur nos soldats endormis, une volée de grenades ; deux chasseurs furent tués sur le coup, deux sont morts depuis, une vingtaine sont blessés. Malgré la soudaineté de l’attaque, le poste courut aux armes, les assaillants repoussés laissèrent deux morts sur le carreau. Le même jour, à Oberglogau, une tentative analogue est déjouée ; en plusieurs points de la Silésie des dépôts d’armes sont saisis. Ainsi se révèle une fois de plus l’existence d’organisations militaires secrètes ; ces unités constituées ont leurs armes, leurs chefs et sont prêtes à se mobiliser au premier signal ; elles bénéficient de la complicité morale des autorités. Dans une telle affaire, il y a des coupables et des responsables. Les coupables paraissent appartenir à la classe ouvrière ; si criminels qu’ils soient, ils apparaissent, eux aussi, comme des victimes de la haine implacable et aveugle de tout le parti militaire prussien qui les arme et, à force de mensonges, les jette à la bataille. Les assassins de nos soldats sont les ennemis du Gouvernement de Berlin aussi bien que les nôtres et ceux de toute civilisation humaine. C’est le cas, pour M. Wirth, de prouver sa bonne foi en faisant prompte justice, non seulement des coupables, mais surtout des responsables, c’est-à-dire des autorités locales et, plus elles sont haut placées, plus la justice doit les atteindre. Si nous avions perdu la guerre et

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1921.