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feux des cierges, des pierreries dont la robe de la Madone étincelle, le moment du ballet galamment dansé devant l’autel, à la mode espagnole, nous parut le meilleur moment, le vrai « moment musical » de la soirée. Nous avons beaucoup aimé ce brillant épisode, autant pour l’éclat, pour la grâce aussi de la musique même, que pour le concert original que forment ici la symphonie, la pantomime et les oraisons. Et puis, et surtout, ici, rien qu’ici, la musique est vraiment à l’aise et nous y met. Elle est libre de se développer, de se déployer, au lieu, comme ailleurs, partout ailleurs, de se rompre au gré des paroles qui la hachent, quand elles ne l’étranglent pas. Il faut le dire et le redire, la tyrannie du verbe et la servitude des sons, voilà dans l’état présent de la musique de théâtre, le grand désordre et le pire dégât.

A suivre les mots, à les poursuivre, à tâcher de les noter et de les commenter au passage, (si vite qu’ils passent), à leur faire un sort à chacun, la musique aujourd’hui se fatigue, s’essouffle et continuellement se brise. Nous ne parlons, bien entendu, que de la musique d’orchestre, l’autre, — la musique vocale, — ayant disparu du théâtre depuis de longues et dures années. Mais, symphonique même, la musique se réduit et s’écourte. Que sont devenus les grands partis pris, les généreuses effusions d’autrefois ! Wagner lui-même ne s’en privait pas : le Wagner de la Walkyrie (Adieux de Wotan), et de Siegfried (chant de la forge), et de Tristan (nocturne à deux voix du second acte), et de Parsifal (scènes du temple). Aujourd’hui, plus rien ne dure. C’est à peine si quelque chose commence. Plus de « morceaux » en musique, dit-on. Mais c’est la musique elle-même, et tout entière, qu’on a mise en morceaux, et si petits ! Quel déchet, ou quelle déchéance ! Et quelle disette aussi ! Que pauvres sont les formes, et rares les idées, pour ne pas dire absentes ! Si d’aventure on nous demande : « Qu’est-ce qu’une idée ? Avez-vous l’idée d’une idée ? » nous ne répondrons pas comme le cocher Patersen dont par le Henri Heine : « Une idée, c’est une bêtise qu’on se fourre dans la tête. » Un de nos plus distingués confrères, critique musical sous le nom de Jean Darnaudat et, sous un autre nom, bien autre critique encore, s’interrogea lui-même sur ce sujet, et justement à propos de l’œuvre de M. Hue. « Définition difficile, » a-t-il écrit. « Une idée musicale, quelquefois c’est une longue mélodie ; quelquefois un bout de phrase ; quelquefois deux accords, ou même deux notes ; quelquefois un simple roulement de timbales. Quel phénomène secret ! Où est le Platon musical qui nous en donnera la formule synthétique ? » Et voici la synthèse qu’en deux formules, Jean Darnaudat proposait : « Il y a idée quand on ne voudrait pour