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avait évincé Léon XIII de la conférence de la Haye, qui visait à prévenir les guerres ; au nom des mêmes maximes, elle s’opposait à ce que Benoit XV eût accès dans l’aréopage qui dicterait la paix. Mais en l’été de 1919, un souffle d’intelligente équité passa sur cet aréopage ; on prêta l’oreille aux persuasives remarques qu’apportait Mgr Cerretti, alors secrétaire des affaires ecclésiastiques extraordinaires, au sujet des anciennes missions catholiques allemandes et des mesures à prendre pour que leurs biens ne fussent dévolus qu’à des sociétés de missionnaires expressément catholiques ; on stipula formellement l’obligation pour les puissances de l’Entente de « sauvegarder les intérêts des missions, » et, sur la proposition de lord Balfour, la Conférence de la Paix, puis, individuellement, les diverses puissances représentées auprès du Vatican, avisèrent le Saint-Siège de ces résolutions, qui le reconnaissaient, implicitement, comme l’autorité suprême de l’internationalisme catholique. Et le premier État qui venait traiter avec Rome certaines questions relatives aux missionnaires, et qui réparait ainsi, dans une légère mesure, l’ostracisme primitivement infligé au Saint-Siège par la conférence de la Paix, n’était autre que cet Empire japonais qui, durant une grande partie du XIXe siècle, avait prohibé, chez lui, tout apostolat chrétien.

La Rome de Benoit XV, par ce début de contact avec le Japon, s’est mise aux écoutes d’une grave crise de conscience, qui met, là-bas, les âmes catholiques à la gêne. L’histoire a d’étranges recommencements : les scrupules qu’inspirait aux chrétiens des premiers siècles le culte officiel des empereurs romains obsèdent aujourd’hui les catholiques du Japon lorsque l’État leur impose, dans les temples shintoïstes, certaines cérémonies qu’une grande partie du peuple considère encore comme des actes d’adoration religieuse de l’Empereur. Mais non, interviennent alors les exégètes gouvernementaux, il ne s’agit plus là de rien de religieux, mais d’un simple honneur rendu à la personnalité impériale et aux soldats morts pour le pays. Dans la Rome des empereurs chrétiens et dans Byzance son héritière, l’Eglise autrefois considéra que les survivances du culte impérial étaient « vidées de toute intention idolâtrique, quelque apparence qu’elles en conservassent parfois. » Les explications du gouvernement japonais au sujet des survivances shintoïstes désavoueront-elles avec assez de netteté les exubérances d’un