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SUR L’HORIZON DU VATICAN

I
L’EGLISE ET LES NATIONS


I. — LE RAYONNEMENT D’UNE GRANDE SOUFFRANCE : BENOÎT XV

Lorsqu’en septembre 1914 cardinaux des pays en guerre et cardinaux des pays neutres, après avoir donné la tiare à Son Eminence Giacomo della Chiesa, eurent agenouillé devant Sa Sainteté Benoit XV leur unanime fidélité, ils se dispersèrent hâtivement, pour faire face, chacun parmi son peuple, aux devoirs civiques que leur imposait leur office même de pasteurs des âmes ; et celui qui depuis quelques heures s’appelait le Saint-Père, le Père commun des fidèles, sentit sa paternité planer sur un chaos de frères ennemis.

De leur conflit, que sortirait-il ? Et dans l’Europe nouvelle, quelle place tiendrait l’Eglise ? Nombreux étaient, autour du nouveau Pape, les prophètes d’infortune. Dans ce Vatican où Benoît XV s’installait, onze ans d’absence de la France avaient laissé la place libre aux Empires centraux. En des places de choix, l’Autriche, d’avance, apostait ses avocats. Ils avaient d’ailleurs fort à faire, car le geste d’insolite archaïsme par lequel François-Joseph, en 1903, avait exclu le cardinal Rampolla du trône pontifical, laissait à Mgr della Chiesa le plus amer souvenir. Ils redisaient avec un fervent acharnement qu’il existait une solidarité historique entre le Siège apostolique et l’Empire apostolique, et que cette Autriche était une auguste survivance du temps où sur terre régnaient deux moitiés de Dieu, le Pape et