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finnois. Et l’intérêt pour les langues baltiques n’en est pas inférieur à celui que présentait le premier travail pour le germanique. Mais les langues « baltiques » intéressent peu de gens. Il a fallu la grande guerre pour donner leur indépendance aux deux petits peuples qui les emploient encore : les Lithuaniens et les Lettons ; parlées presque uniquement par des paysans, les deux langues qui subsistent, le lithuanien et le letton, n’étaient guère étudiées jusqu’ici que par quelques linguistes curieux. La plus grande part de leur domaine est passée à d’autres langues à l’époque historique : la troisième des langues baltiques connues, le vieux prussien, qui au xvie siècle se parlait encore couramment dans la province de Prusse orientale, a été remplacée par l’allemand, si bien qu’aucun pays n’est aujourd’hui plus allemand que ce territoire dont la langue était tout autre il y a trois siècles, et l’on n’a une idée du vieux prussien que par quelques vieux documents, très misérables ; à l’Est et au Sud, c’est le slave qui a entamé le domaine baltique : la ville de Vilna, dont le nom est si manifestement lithuanien, n’est plus aujourd’hui en territoire linguistique lithuanien, et la limite du parler lithuanien passe un peu à l’Ouest de Vilna. Mais les populations de langue baltique ont eu autrefois une grande puissance. On sait que les princes lithuaniens avaient étendu leur empire jusque par delà Kiev, et c’est d’eux que la dynastie des Jagellons et, après l’union définitive de la Pologne et de la Lithuanie, la Pologne, ont hérité leur domination sur les populations russes occidentales. En montrant comment les populations finnoises ont, à une date ancienne, subi fortement l’influence de populations de langue baltique, apparentées aux Lithuaniens et aux Lettons d’aujourd’hui, et qu’elles n’ont subi de la part des Slaves aucune action ancienne, M.  V. Thomsen a mis en évidence un grand fait sur lequel les historiens n’enseignent presque rien : le rôle immense qu’ont joué les populations de langue baltique durant les siècles qui ont immédiatement précédé et suivi le début de l’ère chrétienne.

En dépit de leur intérêt et pour la linguistique et pour l’histoire, ces conséquences qui résultent des travaux de M.  V. Thomsen n’ont cependant qu’une valeur particulière. Il y a une conséquence théorique beaucoup plus importante, et que le tour pris par la linguistique, dans les dernières années, a fait ressortir mieux qu’elle ne pouvait apparaître en 1869 ou même à