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UN GRAND LINGUISTE DANOIS
VILHELM THOMSEN


La part que les nations civilisées prennent au développement de la science n’est nullement en proportion du nombre des hommes qui les composent. Il y a de petits peuples qui sont particulièrement doués pour certaines sciences, et dont, à certains moments, le rôle est décisif.

Le Danemark a en linguistique une place éminente.

Jusqu’au début du xixe siècle, on avait à peine signalé les ressemblances frappantes que présentent entre elles les principales langues de l’Europe ; ou, quand on les avait remarquées, on n’y avait guère vu plus qu’une curiosité sans portée, et personne n’avait entrepris de fonder sur ces ressemblances toute une science : la grammaire comparée des langues indo-européennes.

Or, au seuil de la création de cette science toute neuve, c’est le nom d’un Danois qu’on rencontre. Dès avant Bopp, le Danois Rask avait reconnu nettement, — et en publiant sa trouvaille, — que toutes les grandes langues de l’Europe sont des formes diverses prises au cours du temps par une même langue commune, dont il ne subsiste aucun monument, qui ne s’est sans doute jamais écrite, mais qu’il faut supposer pour expliquer les ressemblances observées. Sans doute, il était réservé à l’Allemand Bopp de fonder vraiment la science nouvelle et de lui donner son premier développement ; il était réservé à un autre Allemand, Pott, de compléter la découverte en reconnaissant la plus large part de l’étymologie des langues indo-européennes. Les circonstances d’une vie peu tranquille et assez brève,